[FINI] Il faut avancer. [PV Vyle]

Cela faisait déjà quelques mois que Vullpjha se rendait en ville pour diverses raisons, de façon presque courante… du moins, en ce qui concernait ses habitudes. Il avait, à chaque fois, mis la main sur un exemplaire du périodique de Ténébris, sans le lire nécessairement, le feuilletant généralement. Néanmoins, certains articles et chroniques avaient attirés son attention, tous écrits par le même journaliste, un dénommé Vyle Dahl Maz Yien. Il semblait à l'elfe que la rigueur linguistique ne soit pas sa priorité, ni celle du quotidien, d’ailleurs. Aux yeux de Vullpjha, ce dernier était écrit sans aucune correction et des tas de mots étaient mal orthographiés. Cependant, il se fiait à un orthographe à ce jour désuet, mais il l'ignorait bien évidemment. Il songeait donc à offrir des services de correction à monsieur Maz Yien. Par contre, l’elfe devait reconnaître au chroniqueur une autre force : percer et déceler les énigmes et les secrets, tout en n’en dévoilant des éléments que de manière à peine compréhensible… ce qui avait eu le don d’intriguer Vullpjha… Il devait savoir.

…. Vraiment? Clairement? Absolument?
L’ermite n’en était plus certain, en cette matinée frissonnante de novembre. Il venait de passer la nuit à l’hôtel, pour s’assurer de se réveiller au petit matin en pleine ville. Presque toutes ses économies y étaient passées. En longeant les murs et se trompant d’itinéraire par deux fois et inadvertance, il avait fini par remettre en question sa décision. Devait-il se dévoiler au grand jour? Ne ferait-il pas mieux de rester dans l’anonymat le plus total pour le reste de ses jours? Et qu’avait-il réellement en tête en allant à la rencontre de cet homme, sans même être sûr du fondé de ses soupçons? Mais à se morfondre ainsi, Vullpjha sentait qu’il perdait de plus en plus le goût de vivre, à mesure qu’il perdait espoir de revoir sa dulcinée. Il n’avait d’autres choix que de se remuer, de sortir… peut-être une chirurgie de ses oreilles serait-elle une bonne idée, pour lui éviter le trop grand risque d’être de nouveau réduit à l’état de cobaye en raison de son origine elfique?

Pour l’instant, l’elfe de feu les cachait grâce à sa chevelure flamboyante et à un paletot gris-brun duquel il avait relevé le col, ce qui concordait bien avec les vents froids qui sifflaient par intermittence, mais c’est en pensant à cette possibilité qu’il s’engouffra dans l’établissement du Ténébris Sunlight. Tout le monde (et il n’en voyait qu’une partie!) était déjà à son poste, malgré l’heure matinale, bien qu’il soit déjà presque neuf heures trente, constata Vullpjha en jetant un regard à l’énorme horloge accrochée à l’entrée… Il en avait mis du temps, décidément.

Sans trop savoir à qui s’adresser, l’elfe prit quelques minutes pour observer les gens passer devant lui et la réceptionniste, entre autres, répondre à plusieurs appels en même temps… Pris de panique face à une si grande agitation, il manqua sortir de l’édifice sans dire un mot à qui que ce soit, mais la dame affairée avait dû remarquer son air perdu et déstabilisé, car elle le héla, lui faisant signe de s’avancer. Hésitant, Vullpjah mit un pas devant l’autre, voulant chaque fois en faire deux par derrière. La dame semblait s’impatienter et le drelin du téléphone n’était rien pour en changer, mais elle montrait quand même un sourire courtois (humhum… hypocrite) à l’homme qui se présenta devant elle : «Que puis-je pour vous, monsieur?»

«M’indiquer où je pourrais rencontrer le chroniqueur Maz Yien.»

Sans un mot de plus, Vullpjha vit la réceptionniste lever les yeux au ciel, sans comprendre pourquoi. Elle lui demanda son identité, mais il refusa de la lui donner, par discrétion personnelle. C’est avec suspicion qu’elle lui indiqua la direction à prendre et c’est avec maladresse qu’il s’y rendit. Il cogna à la porte sans se donner le temps de douter, puis attendit, le coeur battant… Il ne pouvait plus reculer.

Comme à son habitude, Vyle était les pieds sur son bureau, sa machine à écrire devant lui, un ordinateur portable allumé sur une page de recherche internet et un stylo qu'il mâchouillait. Il avait encore écrit des pages et des pages. Pourquoi ? Sur quoi ? Il ne savait pas encore ce qu'il cherchait. L'État était partout et cachait tout. Amateur de la théorie du complot, il fouillait sous chaque pierre, chacun bouts de bois. Il scrutait tous les faits et gestes de ses derniers. Il se devait de tout savoir. Ensuite, il dissimulait d'une habile façon ses trouvailles dans ses chroniques. Seuls ceux qui cherchaient des informations précises pouvaient les trouver. De l'information cachée dans l'information... Quelle bonne blague !

Alors qu'il cherchait des nouvelles pistes à explorer, une secrétaire téléphona sur la ligne fixe qu'il avait en face de lui. La réceptionniste de l'accueil lui annonçait l'arrivée d'une personne qui avait refusé de donner son identité. Habitué a recevoir des informateurs, il ne s'en formalisa pas et la remercia. Au moment où il raccrochait, M. Anonyme frappait à sa porte. Un sourire aux lèvres, les pieds toujours sur le bureau et toujours affalé dans son siège, il se racla la gorge avant d'annoncer tranquillement.

« Entez ! »

L'invitation lui était lancée... qu'est-ce qu'il attendait? Il pouvait toujours faire demi-tour sans... non! Un peu de courage, que diable! Ça ne pouvait être si difficile!

Vullpjha ouvrit la porte après quelques secondes d'hésitation, passant la tête en premier, pour voir à qui il avait affaire. Un homme à la coloration capillaire plus que singulière était installé, l'air désinvolte, face à une machine à écrire. L'ordinateur allumé à son côté donnait au visage du harpie une dichotomie ombre/lumière assez frappante. Tous les contrastes présents auraient donné un portrait à coupé le souffle... peu importe. En passant par l'embrasure de la porte, l'ermite se demanda qui était cet étrange personnage, tentant de l'analyser un peu. Comment devait-il l'aborder? Il ne pouvait trop en dire, au risque que ses doutes ne soient pas fondés.
Dans un léger angle, il fit une révérence, sans dire un mot, puis se décida à ouvrir la bouche et laissa sortir:

«Désolé de cette visite incongrue... Vos articles ont attiré mon attention et j'aimerais en discuter avec vous, Monsieur Maz Yien.»

Sa voix était presque assurée, mais témoignait d'un franc respect. Il regarda le journaliste sans ciller, l'air neutre mais décidé, puis, entendant des bruits dans le corridor, se rendit compte qu'il avait laissé la porte grande ouverte. Il alla donc la fermer calmement, pour ne pas donner l'impression d'être nerveux... Surtout, paraître normal et détendu. Ensuite, en se retournant, il amena son sac en bandoulière au devant de lui, y fouilla pas trop longtemps et en sortit des articles de Vyle d'anciennes parutions.

Vyle observa l'homme qui venait d'entrer dans son bureau. Un type assez grand, les cheveux roux, d'âge moyen. Il semblait stressé, un peu nerveux. Ce qui eut pour effet de faire se raidir le harpie, qui cependant, s'efforçait de garder un air tranquille. Il hocha la tête après que le visiteur lui ai parlé.

« Dahl... » dit il calmement. « Dahl Maz Yien... mais qu'importe. Appelez-moi Vyle, monsieur... ? » il laissa traîner la dernière syllabe, signe qu'il attendait que son interlocuteur se nomme à lui.

Que voulait ce type ? Qui était il ? Vyle se posait plein de questions. Il avait dit être attiré par ses articles... En même temps, il savait bien que tous les amateurs de la théorie du complot, comme lui, laissait entre les lignes. Il faisait en sorte de donner du grain à moudre aux gens qui voulaient connaître la face cachée de Ténébris...

« Je vous écoute... »

Eh merde, une question ouverte... il ne s'y était pas attendu. Et il aurait bien voulu rester dans l'anonymat le plus longtemps possible... quel espoir fou et vain. Mais bon, dire son prénom ne devrait pas lui occasionner de difficultés... non?

«Ah oui, désolé, je me nomme Vullpjha. Humm…»

Le principal intéressé hésita et regarda les coupures de journaux qu’il tenait dans sa main droite et les défroissa un peu. Mieux valait ne pas aborder tout de suite le sujet qui le chicotait tant. Il lui fallait sonder le terrain, être sûr de ne pas faire une bourde énorme. Après tout, ces sous-entendus, ces révélations à demi-voilées n’étaient peut-être rien d’autre que des  appâts pour effacer toute personne récalcitrante à se plier au système et à y croire. Peut-être l’homme devant jouait-il les agents doubles… on n’était jamais trop prudent.

Et Vullpjha voulait bien trouver un emploi, un petit quelque chose qui lui apporterait un certain revenu, plutôt maigre, mais tout à fait suffisant pour ses besoins. Il se contentait lui-même, mais avait quelques fois besoin d’argent lors de ses déplacements en ville… et il commençait définitivement à être à court. Cela dit, il ne souhaitait avoir d’attache nulle part, ne pas acquérir une notoriété trop envahissante. Il ne voulait surtout pas être reconnu. Et Vyle lui semblait ne pas tout faire via son ordinateur, à se fier à la dactylo à ses pieds, ce qui semblait à l’ermite être une bonne chose. Il pourrait lui offrir ses services de correction, qu’il ferait de manière manuscrite et viendrait lui apporter, ou qu’il ferait sur place… qui sait? Mais comment aborder ce délicat sujet? Il ne pouvait tout de même pas dire de prime abord que le journaliste écrivait mal… Vullpjha fronça les sourcils… Au fond, il ne savait même pas si le chroniqueur corrigeait lui-même ses articles. Alors, se tournant vers lui, il dit : «Dites-moi, Monsieur… Vyle, avez-vous à votre service une personne qui corrigerait vos articles, linguistiquement parlant, évidemment?» Vullpjha hésita à l’appeler par son prénom; cela lui paraissait étrange. Il ne pouvait non plus s’empêcher de le vouvoyer. Mais mieux valait éviter les noms de famille, s’il ne voulait pas lui-même révéler le sien... Mais bon, qui ne connaissait pas son nom pouvait difficilement différencier le prénom du nom… n’empêche.

Puis, il regarda à nouveau les articles, en lut un en diagonale et le déposa sur le bureau, en face de son auteur. «Ne voyez-vous rien d’incongru?»

Vyle regarda l'homme en face de lui. Quel nom étrange tout de même. Il aurait bien fait une rapide recherche sur lui, mais il n'était pas indispensable pour le moment d'avoir toutes ses informations. Quand Vullpjha appela Monsieur Vyle, il sourit. Il ne s'était pas attendu à ça. Depuis plus de trente ans, on ne nommait plus les gens par la formule de politesse suivit de leur prénom. Cette mode était révolue.

« A vrai dire, non ! Je n'ai personne qui s'occupe de ça pour moi. Je n'estime pas en avoir besoin. Mes chroniques sont connues et réputées dans tout Ténébris. Je pense que si mon style, linguistiquement parlant, laissait à désirer, je n'aurais pas autant de succès. Ne croyez-vous pas Vullpjha ? » dit-il un brin vexé par ce dernier.

Il se leva ensuite pour prendre un des articles qu'il avait écrit. Rien d'anormal, enfin pas plus que les autres. Il traitait d'un sujet basique. En lecture simple, il remerciait l'UDPH d'avoir arrêté un criminel dangereux et faisait une dissertation sur le sujet. Mais, quand on faisait plus attention, il était évident qu'il mettait en garde les connaissances et famille de l'interpellé, en stipulant qu'il s'était fait attraper par ses fascistes de l'UDPH et il les conseillait de quitter leur quartier au plus vite. Mais bon sang ! Que voulait donc ce type ? Il hésitait entre un mec de l'UDPH qui l'aurait percé à jour et un fantique de la théorie que complot, comme lui, qui voyait bien qu'il y avait anguille sous roche. En tout cas, une chose était certaine, c'est que cet homme savait quelque chose.

« Non Monsieur, je ne vois rien de choquant ! Mais si vous me mettiez sur la piste... qui sait ? Mettez-moi donc la puce à l'oreille, que l'on en fisse une bonne fois pour toue... » dit il en feignant l'agacement.

Voilà qu’il l’avait vexé. Vullpjha s’y prenait mal; il se sentait en plein sable mouvant qui l’avalait un peu plus à chaque mouvement brusque, à chaque bourde. Il était loin d’être en terrain connu. Il lui fallait être prudent et bien peser ses mots. L’elfe prit une grande respiration et dit alors, calmement:

«Pardonnez ma maladresse, Monsieur Vyle, je ne comptais aucunement m’attaquer à votre écriture, qui est sans équivoque très talentueuse. Je reconnais le travail dans chacun de vos articles, soyez-en bien assuré. Voyez-vous, c’est simplement que j’ai jadis été correcteur moi-même et, si je ne m’abuse et sans offense, certaines incongruités m’ont paru ressortir de vos textes.»

Vullpjha reprit l’article qu’il venait de tendre au journaliste pour le lire plus en détails.

Vyle Dahl Maz Yien a écrit:

«L’Union démocratique pour la protection de l’humanité a de nouveau mis son savoir-faire à l’œuvre. Tard dans la nuit de jeudi à vendredi, les militaires ont mis la main sur Mark Sangsue, un homme recherché par l’U.D.P.H. pour ses nombreux meurtres sanglants, a dévoilé leur attaché de presse une fois l’arrestation terminée. Plusieurs disparitions mystérieuses s’étaient produites dans son quartier. Bien qu’il n’y ait plus de danger sérieux, restez quand même sur vos gardes.  Les citoyens de Ténébris peuvent sans crainte vaquer à leurs occupations, car l’U.D.P.H. veille sur leur sécurité. En effet, elle arrêtera toutes personnes susceptibles de montrer les crocs et semblerait-il que cette arrestation l’ait mise sur une nouvelle piste. Remercions l’U.D.P.H. d’être toujours là pour nous protéger des criminels dangereux.»

L’ermite hésita encore. Quelques mots lui paraissaient mal écrits, mais une chose particulière le chicotait, et la soulever, c’était mettre directement le doigt sur la raison de sa venue… Après tout, monsieur Dahl Maz Yien souhaitait qu’il aille droit au but… Il fallait qu’il se lance. De plus, le chroniqueur n’était forcément pas dupe et se montrait aux aguets.

«Eh bien… je dénote quelques erreurs d’orthographe, mais une erreur de concordance me saute aux yeux. Vous avez écrit ici…» Il montra l’article à Vyle et pointa la phrase en question. «… "restez quand même sur vos gardes.", puis vous passez à "Les citoyens de Ténébris". Vous auriez dû, soit garder l’usage de la deuxième personne, soit commencer à la troisième, mais les deux ne peuvent se suivre ainsi, s’il est toujours question des mêmes gens.»

Vullpjha n’avait pas mis l’attention sur le dernier élément de sa phrase, le disant simplement comme s’il allait de soi, mais il était la clef de ses soupçons et la réaction du journaliste face à cette évidence pourrait bien être déterminante pour la suite des événements. En effet, l’elfe de feu se doutait bien qu’il s’agissait en fait de l’emprisonnement d’un vampire et que certains de ces congénères devaient désormais faire attention maintenant que l’un des leurs avait été attrapé. Leur quartier était dorénavant ciblé et l’U.D.P.H. les traquerait sans merci… L’elfe posa son regard interrogatif sur Vyle, scrutant ses mimiques, attendant une réaction.

Vyle se rassit calmement. Il prit son temps. Il regarda l'homme qui lui faisait face. Il croisa ses bras devant lui. Une position défensive. Il replaça ses jambes à leur place initiale, c'est-à-dire sur son bureau. Une position qui marque la distance. Sur sa bouche se dessina un sourire narquois. Il laissa un long blanc s'installer entre eux deux.

« Oh vous étiez correcteur ? Quel travail fascinant. Mais je suis étonné. Vous ne me semblez pas si âgé que vous semblez vouloir le laisser sous-entendre.''Jadis''. C'est intéressant. Tout comme votre parler... Savez-vous que cela fait presque trente ans que l'on ne s'exprime plus de la sorte... »

« Et pour répondre a votre question... nous sommes tous des citoyens de Ténébris. Moi... tout comme vous Vullpjha... » dit il en détachant chacune de ses syllabes marquant ainsi qu'il fallait lire entre les lignes.

Il inspira puis expira fortement. Ses serres le démangeaient vraiment. C'est comme si ses plumes allaient sortir de sa peau. Comme si son bec le troublait. Ses yeux caché ses lentilles bleues se dilataient. Il ne devait en aucun cas faire craquer son enveloppe humaine. Pour se calmer, il planta ses griffes dans son bras discrètement, la douleur lancinante le ramenant ainsi à la réalité.

Vullpjha avait vécu hors de la société trop longtemps pour savoir, voire se douter que des changements s’étaient produits à même la manière de s’exprimer, d’autant plus qu’il usait rarement de la parole à l’habitude. Et pourtant, ce genre de modification était évidemment inévitable. Cela n’empêcha pas l’elfe de lâcher un «Ah bon…» stupéfait, en clignant des yeux et fronçant les sourcils, sans réfléchir à ce que ces paroles, à peine murmurées, pouvaient révéler. Par contre, il se maudit lui-même de s’être laissé emporter à mentionner, par un simple mot, qu’il n’était plus correcteur depuis trop longtemps… Le cœur battant, il comprenait que son interlocuteur se doutait de quelque chose, peut-être même avait-il vu plus clair qu’il n’en laissait paraître.

Haha… ha…ha… Vullpjha se retint de lâcher un rire jaune en entendant qu’il était citoyen de Ténébris. Cela faisait belle lurette qu’il ne se considérait plus comme tel et peut-être même que son nom ne figurait plus dans la liste des vivants de la ville… à moins que l’U.D.P.H. ait eu la brillance d’esprit de prendre en compte sa longévité… voilà d’ailleurs pourquoi il était toujours sur ses gardes. M’enfin. Son visage resta de marbre, mais ses yeux en disaient long sur sa terreur. Les seuls à connaître réellement son identité étaient ses voisins loups-garous, en lesquels il avait confiance. Si l’homme devant lui venait à découvrir qu’il était un elfe… Le regard fixe et perdu, Vullpjha n’entendit qu’au loin les soupirs sonores du journaliste. Le chroniqueur avait totalement éludé sa question pour ne mentionner qu’un fait tout bête… Le fait qu’ils soient citoyens ou non changeait-il quelque chose à la syntaxe de son article? L’ermite se répétait mentalement la dernière phrase qu’il avait dite, sans trop en saisir le sens sur le moment… Vyle était citoyen de Ténébris, oui, cela était évident. Alors, pourquoi tenait-il à le souligner? Tentait-il de lui faire passer un message? Il était citoyen de Ténébris, oui, mais… Peut-être avait-il directement répondu à la question que Vullpjha se posait de prime abord… d’une manière détournée, à moitié dévoilée comme il savait si bien s’y prendre?

En rapportant son attention sur celui qui occupait ses pensées, l’elfe vit pour la première fois l’inconfort sur son visage crispé, ses pupilles dilatées… sa main serrait-elle réellement le bras de son siège? Étaient-ce des bosses qu’il avait vu poindre sur son avant-bras, quelques secondes? Quelque chose ne tournait pas rond, mais il n’aurait su dire quoi, et sans doute ne s’en aurait-il jamais douté. N’empêche, il ne pouvait rester là sans rien faire… peut-être le journaliste connaissait-il couramment des malaises?

«Qu’y a-t-il? Vous me semblez en proie à un violent malaise… Voulez-vous que j’aille chercher de l’aide?»

Vullpjha parla calmement, mais avec un certain empressement dans la voix, et ce faisant, il s’était approché, par réflexe, du harpie, le bras droit tendu vers lui.

(Hj : il se plante les griffes dans SON bras à lui, pas dans le siège, mdrrr)

Les deux principales contraintes d'être harpie étaient l'alimentation, se nourrit de cadavre en décomposition avait tendance à faire fuir les rencards dès le premier restaurant et bien sûr, la transformation. Elle pouvait subvenir quasiment n'importe quand. C'est d'ailleurs à cause de cette raison que nombreux d'entre eux restaient cloîtrés, à ne pas oser sortir. Mais Vyle n'était pas ceux là. Il lui arrivait parfois de perdre un peu le contrôle de la situation, mais jamais complètement. Il avait été poussé dans ses retranchements. Encore une fois. Il lui avait fallu beaucoup de self contrôle pour ne pas se laisser sa vraie nature s'exposer.

Et voilà, manquait plus que ça. L'autre, là, qui parlait du jadis, d'il y a au moins trente ans en arrière voulait chercher quelqu'un. Cela aurait été une vraie catastrophe. Il voyait déjà les types de l'UDPH qui le menottait avec de l'argent. L'horreur ! Alors qu'il arrivait à rependre la maîtrise de son corps il fusilla Vullpjha de ses lentilles.

« Non merci... Tout va très bien ! » dit en le repoussant vivement d'un revers de main.

Il n'était pas vraiment fan du fait qu'un étranger vienne pénétrer son espace vital. Il ne savait même pas qu'il avait en face de lui. Humain ? Créature ? UDPH ? Simple victime de Ténébris ? Peut-importe. Les risques étaient trop grands. Il devait se ressaisir. Et vite.

« Bien revenons à nos moutons... Qu'est-ce que vous venez vraiment faire ici ! Si c'est pour me rabâcher que mon style littéraire ne date pas des années quatre-vingt, vous pouvez disposer. Si c'est parce que vous chercher un boulot, vous vous y prenez très mal... Que foutez-vous dans mon bureau extrêmement et qui êtes vous au juste ? »

Pourquoi se montrait-il si hargneux? Vullpjha n’avait voulu que lui apporter son aide! Subjugué, il recula de quelques pas, prêt à s’en aller si quelque chose ne tournait pas rond. Puis Vyle lâcha la bombe. Et l’ermite ne sut plus du tout sur quel pied danser. Comment savoir l’identité de son interlocuteur et lui révéler la sienne, même indirectement, si tous deux se montraient si fermés l’un à l’autre?

Vullpjha baissa les yeux, souhaitant éviter ceux, fusilleurs, du journaliste. Ce dernier n’avait d’ailleurs finalement pas répondu à son commentaire sur la concordance syntaxique de son article… dommage. Mais, apparemment, si Vullpjha y revenait, il se mériterait une expulsion illico presto du bureau… En plein dilemme mental, l’elfe releva un peu la tête, dévoilant un regard apeuré. Il se mordait la lèvre inférieure et respirait difficilement. Son paletot commençait à le démanger; il commençait à étouffer. Cette pièce renfermée, éclairée artificiellement et sans doute chauffée ne lui plaisait pas. Cela dit, sa détresse mentale empirait bien évidemment son état d’inconfort. Bref, perdant contenance, l’elfe enleva son manteau hâtivement et, dans sa hâte, dévoila son oreille droite pendant à peine une seconde, sans qu’il s’en rende compte. Il plia ensuite son manteau et le déposa sur le dossier de la chaise qui lui faisait dos, s’y appuyant également. Sa chevelure flamboyante suivit son mouvement, cachant son visage, tel un rideau. Il n’osait plus regarder le harpie et fixait donc ses mains, qui trembleraient si elles n’étaient si bien cramponnées. Il resta ainsi quelques instants, sans dire mots, parce que ceux-ci se bousculaient dans sa tête, cherchant un moyen de se combiner conformément à ses pensées. Après avoir fait le point, il réussit finalement à prendre la parole,  las et le trémolo dans la voix.

«Mes excuses… vraiment. Ma venue en ces lieux s’avère finalement une mauvaise idée. Apparemment, à tout événement, je vous importune…» Vullpjha releva la tête, faisant de nouveau face à Vyle, et planta son regard dans le sien, espérant qu’il comprendrait le double-sens de sa phrase : «Comprenez que mon identité ne puisse être déclinée, pour ma sécurité et peut-être la vôtre…» Il garda de nouveau le silence quelques secondes, respirant calmement, puis ajouta, le regard maintenant quelque peu fuyant, se posant tour à tour sur le bureau, les mains, la dactylo, les pieds et le visage de Vyle : «J’aurais simplement espérer comprendre… Peut-être avoir un éclaircissement sur ce que vous pouviez insinuer… Semblerait-il que je me sois fourvoyé…» Il sourit tristement et maladroitement, dessinant un rictus sur ses lèvres, puis baissa les yeux et conclut dans un soupir :«Pardonnez mon impertinence...»

Vullpjha ramassa son paletot et songea qu’il était un peu idiot de l’avoir enlevé pour le remettre presque aussitôt, mais ne s’en formalisa pas plus que ça. Ainsi soit-il. N’empêche, il était profondément déçu. Déçu de lui, de sa situation et de Vyle. Lui-même ne savait plus comment se comporter en société, ce qui n’était pas forcément un problème habituellement, mais il s’en voulait de s’être laissé aller à croire qu’il pourrait entretenir des liens sociaux sans anicroches. Et la fermeture du chroniqueur avait fini par le décevoir également. Mais bon… finalement, ce n’était peut-être pas plus mal ainsi. Depuis sa réclusion, il vivait bien et pouvait presque se sentir chez lui. Mieux valait qu’il reste ignorant à ce qui se tramait en ville. Il avait beau croire qu’une organisation finirait par ramener la liberté aux habitants et créatures de Ténébris… était-ce encore son combat? En soupirant, l’elfe commença à enfiler la première manche de son manteau. Oui… il avait vu trop loin. Sa résistance était passive, pas offensive. Mieux valait que cela reste ainsi.

(hj désolée pour le retard... manque d'inspi combiné au surplus de boulot)

Vyle écoutait son interlocuteur avec attention. Tout laisser penser qu'il était juste une créature paumée qui cherchait l'aide des autres. En tant que membre de l'OM il aurait été mal venu de lui fermer la porte au nez. Mais avec les récents événements... l'attentat raté et surtout cette histoire de taupe au sein de l'Organisation... Cela n'était pas pour lui plaire... Puis soudain deux de ses neurones entrèrent en collision... Mais bien sûr ! Ce type n'était pas un membre, cela l'innocentait donc forcément en tant que taupe. Même si rien de prouver pour le moment qu'il pouvait lui faire confiance, il fallait qu'il l'avoue... c'était une aubaine.

« Attendez » dit le journaliste le plus calmement possible.

Il l'observa attentivement. Il ne semblait pas si âgé que cela et pourtant il parlait comme s'il avait au moins quatre-vingt ans. Il semblait on ne peut plus mal à l'aise dans les locaux du journal. Manquait plus qu'il danse pieds nus et copule avec un arbre pour certifier de son identité.

« Si tu ne veux pas te faire prendre, je te conseille de faire attention. Tu parles comme un très vieil ermite. Tu devrais sortir plus souvent de ta forêt ! Tu devrais faire attention aux détails... c'est toujours les plus petits qui nous trahissent ! » dit il sur le même ton...

Attendre, attendre… Tiens, il semblait plus calme, plus doux, tout d’un coup. Peut-être sa tirade avait-elle su le faire réfléchir et l’amener à une plus grande ouverture? Peut-être Vullpjha arriverait-il finalement à quelque chose en venant ici? À moins que cet homme ne soit du camp adverse… rien n’avait prouvé le contraire, toujours. Il ne fallait pas l’oublier. Rester prudent, et attentif à toutes les paroles du journaliste, surtout…

Pardon? Bon… définitivement, le statut de l’elfe avait rétrogradé dans l’esprit de Vyle : le voilà qui le tutoyait! À quel moment ce changement s’était-il produit? Le considérait-il maintenant inférieur ou simplement égal à lui? Et ses paroles… Comment avait-il pu comprendre que son exclusion était en forêt? Pour l’ermitage, Vullpjha devait s’avouer le lui avoir presque annoncé haut et fort avec ses vieilles formulations – bien qu’il ne sache s’en départir, hélas –, mais pour le lieu de son habitation? Il aurait bien pu être un vieux loup de mer ou encore un vieux fermier… pourquoi la forêt précisément?

L’elfe de feu tarda à réagir et répondre. Pendant quelques instants, il n’offrit au harpie qu’un visage étonné aux sourcils froncés. Devrait-il nier qu’il vivait en forêt, ou au contraire, poser directement ses questionnements? La fuite pourrait-elle être judicieuse? Eh oui… Vullpjha, face au danger et à l’inconnu, avait cette fâcheuse tendance à simplement vouloir disparaître, partir à courir le plus loin possible de la source de ses tracas. Ainsi, il resta coi quelque temps, puis lâcha, dans une désinvolture calculée : «Vous aussi, les détails pourraient finir par vous trahir!», détournant le centre d’attention sur son interlocuteur. En effet, cette manière de se commettre sur les deux plans pourrait un jour finir par jouer des tours au journaliste. Ses articles attiraient l’intérêt de ceux concernés, mais moindrement un membre de l’UDPH déciderait d’en faire archives pour en étudier les doubles sens, la fumisterie serait vite dévoilée.

[Désolée... C'est pas mon meilleur... J'me reprendrai au prochain!]

[HJ t'inquiète ton message était bon, le mien est caca par contre XD]

Vyle observait l'elfe devant lui. Il était plutôt inexpressif... enfin un peu. Les sourcils froncés, comme s'il se méfiait... et il avait de quoi. Les créatures n'étaient pas les bienvenues à Ténébris, même si elles n'étaient là depuis aussi longtemps que les humains. Au final, peut-être qu'elles ne pourraient jamais sortir du placard. Les Hommes se tiraient dessus à cause d'une couleur de peau différente ou bien d'un mode de pensée spirituel qui divergeait... Alors, comment réagirait une population entière si elle apprenait qu'elle n'était pas la seule espèce dotée d'intelligence et qu'en plus les 'autres' étaient plus beaux, plus forts, plus puissants, moins mortels ? Il se passerait ce qui s'était passé en 1692, quand les sorcières ont fait le coming-out... Un échec cuisant pour l'évolution de l'espèce. Misérables humains !

« Je ne vois pas de quoi vous parlez cher ami... Mais je vous en prit éclairait donc ma lanterne... Qu'est ce qui pourrait être trahi dites moi ? »

Il était de nouveau sur la défensive, mais un grand sourire honorait son visage. Dans le doute il fallait toujours sourire. Puis, il était passé du simple tutoiement au vouvoiement. Sans être schizophrène il avait ses raisons. Cela dépendait de qui s'adressait à l'homme en face de lui. Le journaliste 'humain' ou le membre de l'OM méfiant...

Vullpjha resta impassible, son paletot toujours sur un bras, toujours prêt à partir si le besoin s’en faisait sentir. Le journaliste devant lui ne savait vraisemblablement plus comment le considérer, tantôt le tutoyant, tantôt le vouvoyant. Cette manière d’agir, de parler, de se montrer hypocritement respectueux irritait l’elfe. Feindre ainsi l’évidence en gardant ce sourire plastique… comment pouvait-il? Des années de pratique, sans doute… Ce devait être sa barrière, sa carapace, tout comme lui-même avait mis le silence aux fronts. N’empêche. Vyle savait inévitablement son identité, alors pourquoi ne pas mettre cartes sur table? Pourquoi donc continuer ce petit jeu de l’innocence et de l’ignorance?

Fusillant presque le harpie du regard, Vullpjha tenta de prendre la parole à plusieurs reprises, se retenant d’aller jusqu’au bout de sa pensée, se reprenant chaque fois: «Eh bien… Vous… vos… Enfin, je veux dire…», puis s’arrêtant totalement. L’homme devant lui avait su, avec brio il devait l’avouer, répondre partiellement, jamais réellement à ses questions, usant de formules larges et ouvertes, ou lui retournant la question, lui demandant alors d’y répondre à sa place, comme pour le cas présent. Il était effectivement un très bon journaliste, toujours à vouloir tirer l’information des vers du nez de ses interlocuteurs. «Vous cachez bien votre jeu. Anguille se trouve sous roche et sans doute ne suis-je pas le seul à m’en être aperçu. Votre camp n’est jamais clair et c’est là même votre damne…» Il fit une pause et ajouta, en s’emportant un peu et en bougeant les bras: «Assumez vos écrits, vos pensées, bon sang! Et surtout, cessez de faire l’ignare ainsi… C’est terriblement insultant.». L’elfe dit la dernière phrase entre ses dents, la mâchoire serrée. Il bouillonnait.

Le chroniqueur le désespérait. Il était on ne peut plus évident qu’ils étaient tous deux des créatures, ou à tout le moins, des êtres résistant au système dictatorial établi. Il venait en comparse, peut-être en ami, même – Vyle ne venait-il d’ailleurs pas de lui assigner ce rôle? –, mais un peu d’ouverture devait s’opérer. Sinon, le statu quo régnerait et chacun retournerait à son quotidien plus ou moins palpitant, mais toujours aussi soumis au final.

Vyle observait l'elfe en face de lui sans rien dire. Il semblait avoir du mal à se justifier. Mais le journaliste restait de marbre. Il ne l'aidait pas. Restant muet, silencieux et surtout en observation. Il le testait. Jusqu'au allait il aller ? Comment allait il bien pouvoir clore cette affaire ? Puis enfin le correcteur se fâcha. Non pas que le harpie aime particulièrement se faire crier dessus, mais il attendait une réaction de sa part. Et la colère était justifiée. S'il ne se connaissait pas si bien, Vyle aurait dit qu'il le prenait pour un con... Mais pour une fois ce n'était pas le cas.

« Allons l'ami. Vous avez peut-être raison. Tenez, prenez ça ! » dit il en lui remettant une carte de visite utra-sobre, blanche, de mauvaise qualité, sans nom, ni numéro de téléphone. Juste une adresse et encore, pas totalement complète.

« Rendez-vous à cette adresse, seul ! Ils décideront du reste. Si vous sortez de là vivant... à ce moment là seulement... je vous ferais embaucher comme correcteur. Mais croyez moi, ouvrez des livres écris de nos jours et surtout... plantez vous dans le métro et écoutez donc les gens parlez ! Vous détonnez complètement ! »

Une… une carte de visite? Totalement pris au dépourvu, Vullpjha resta coi, fixant le bout de papier, le cœur battant encore sous l’effet de l’adrénaline. «Vous avez peut-être raison.»? Raison… peut-être raison? Mais là n’était pas la question! Sur quoi aurait-il donc eu raison? Puis, le chroniqueur enchaîna… et le tout devint encore plus sombre dans l’esprit de l’elfe, qui regarda alors son interlocuteur dans les yeux, de nouveau méfiant. Il ne put s’empêcher de lâcher : «Que voulez-vous dire?, bien qu’il le regretta par la suite.

Il prit alors lentement la carte de sa main droite et l’observa attentivement de chaque côté, passant son doigt sur les bords, lisant et relisant l’adresse… qui ne lui disait strictement rien. Seuls le numéro de porte et le nom de la rue s’y trouvaient… Comment arriverait-il à s’y rendre dans les méandres des rues, avenues, boulevards, artères de Ténébris?  Était-ce l’adresse d’un immeuble, d’un duplex, d’une boutique, d’un restaurant? Et qui l’attendraient? Quand? Comment se présenterait-il? Il était hors de question qu’il dévoile son identité sans connaître celle de ceux qui l’attendraient… pour peut-être mettre fin à ses jours? Sur quelle base en décideraient-ils? N’était-ce pas un piège? Vullpjha se serait-il fourvoyer sur Vyle, en fin de compte? Cette possibilité n’avait pas été pleinement écartée au fond… Trop de questions fusaient de toutes parts… impossible de ne s’attarder que sur une, et encore moins d’en formuler une à haute voix. Néanmoins, l’ermite, toujours sur la défensive, finit par se décider sur la plus importante, celle qui englobait davantage de ses inquiétudes : «Qui sont ils?» Le reste, au fond, ne concernait que des procédures.

Puis, se rappelant ce que lui avait dit le journaliste en dernier, il ajouta : «Le métro est bien trop effrayant… mais j’imagine qu’un café siérait à l’objectif, et je pourrais, d’autant plus, y lire calmement.  À ce propos, auriez-vous  une œuvre littéraire moderne à me proposer? Sinon, je suis également familier aux ouvrages de grammaire et ne pourrais m’en lasser…» En disant ces paroles, Vullpjha songea à l’évolution de la langue dans son ensemble et en vint à se demander comment parlaient les gens au-delà les frontières de Ténébris… Si le mur finissait par tomber (Ô utopie!), pourraient-ils se comprendre? Ces étrangers connaissaient-ils Ténébris? Leur ville était-elle la cible médiatique d’un monde ouvert? Tant de questions auxquelles l’elfe espérait un jour avoir réponse…

Vyle secoua la tête. Allons bon, s'il commençait à se justifier de ne pas pouvoir faire les trois quarts de ce qu'il lui conseillait, il risquait grandement de finir seul, ou pire encore dans une de ses cellules capitonnées de l'UDPH. Bien sûr, le journaliste ignorait totalement que l'elfe en face de lui avait déjà visité cet établissement haut de gamme. Tout aurait été différent s'il l'avait su. Une telle occasion d'en savoir plus sur leur adversaire. Mais voilà, il ne savait pas.

« Vos états d'âmes m'indiffèrent. Dans le métro vous trouverez juste une population plus mixte et hétéroclite. Mais libre à vous de ne pas y aller. Après tout, en tans que citoyens de la ville vous êtes libre ! Mais rendez-vous là où la carte l'indique. Si vous êtes des nôtres, alors on vous aidera ! Sinon, vous mourrez ! » dit avec air très naturel

Le harpie se pencha ensuite vers son bureau et ouvrit un de ses tiroirs. Il sortit plusieurs livres. Il les regardait, en rangeait certains, en laissait d'autres de côté. Après avoir fini sa sélection il en tendit trois à l'homme en face de lui. L'un était noir avec le titre écrit en argenté, la couverture montrait un homme tenant un pistolet. Le deuxième était plus sobre. Blanc. Avec un dessin humoristique dessus. Puis le dernier était orange criard, avec un magnifique titre qui pétait les yeux, en vert.

« Un roman policier, qui est très bien écrit. L'auteur a fait de recherche, la police fonctionne à peut près comme ça. C'est... criant de vérité. Une idée pour se mettre dans le contexte. Celui-ci, c'est un livre qui traite de politique. Il a été censuré. Vous ne le trouverez plus nulle part. Quant à ça... un Bescherelle. Je vous recommandais bien l'usage d'une tablette ou d'un ordinateur... pour voir un peu ce qui se fait dans le monde... mais ça risque d'être encore trop complexe pour vous. Nous verrons plus tard pour votre éducation contemporaine.... » dit il en lui tendant les trois ouvrages.

Chassant ses pensées voyageuses, Vullpjha remarqua que Vyle n’avait pas répondu… Il détournait encore et toujours ses questions les plus primordiales! L’elfe comprenait bien que ce devait être un moyen de défense, qu’ils – lui et ses acolytes potentiellement meurtriers – se devaient de rester dans l’anonymat le plus total… n’empêche. Un simple regard, plein de sous-entendus complices, aurait suffi à l’elfe, qui au fond, n’en demandait pas plus. Lui-même était toujours aussi frileux à révéler son identité et n’était pas à l’aise que son interlocuteur en ait deviné autant sur lui, alors qu’il  n’était même pas encore tout à fait certain de pouvoir lui faire confiance… Qui était-il? L’ermite n’en savait rien au final… Il ne pouvait qu’y aller de déductions, espérant ne pas faire fausse route… Malgré tout, il fallait bien qu’il se résigne. Que pourrait-il lui arriver de pire? La mort apparemment? Cette contrée ne l’effrayait plus désormais. La seule chose qui pouvait encore le faire trembler était de retourner dans cette prison aseptisée qu’étaient les laboratoires de recherche de l’U.D.P.H. Juste d’y penser, un frisson le parcourra.

Puis, une parole du journaliste le fit sourciller. Un mot seulement. Il n’en croyait pas ses oreilles! Pendant qu’il lui proposait trois livres, apparemment fort intéressants, Vullpjha passa ce mot en boucle dans sa tête, puis n’y tenant plus, lâcha d’une voix étouffée : «Ha…ha. Libre, dites-vous? Vous sentez-vous… libre, Monsieur Dahl Maz Yien?», en mettant l’accent sur vous et libre, sans attendre réellement de réponse cette fois, le disant davantage comme un commentaire. L’elfe réprima une moue de dégoût en pensant à quel point ni lui ni le chroniqueur ne pouvaient se sentir libres… ni de leurs actions, ni de leurs déplacements, ni de leurs paroles, ni même de leurs pensées… Tous les citoyens de Ténébris étaient coincés, enfermés, captifs, tous autant qu’ils étaient, dans une tacite acceptation d’un système despotique. Il était rare que Vullpjha y pense précisément, mais quand cela arrivait, il était aux prises avec un sentiment partagé entre la profonde déprime, face à son impuissance, et la hargne dévorante qui, s’il ne la contrôlait pas, pouvait le pousser à faire brûler tout ce qui l’entourait… D’ailleurs, le chauffage de la pièce avait bien dû augmenter de quelques degrés, imperceptibles pour l’elfe de feu, mais suffisants pour déranger quelqu’un sensible à la température. Ses pupilles s’étaient également dilatées et son pouls avait accéléré. Penser trop fort à l’humanité et ses tendances nombrilistes ou répressives le poussait dans ses retranchements intérieurs… il devait se contrôler. Mais ses nerfs étaient déjà à vifs de n’avoir eu aucune réponse satisfaisante depuis le début de l’entretien… Vite, penser à autre chose.

D’un mouvement vif, il enfila alors la manche toujours pendouillant de son paletot et prit les livres que Vyle lui tendait, sans y porter grande attention, les feuilletant distraitement. Le Bescherelle lui semblait être le plus intéressant sur le moment et l’ermite prit même quelque temps pour en lire des passages… En ayant lui-même un chez lui, il pourrait comparer les différences et similitudes. À première vue, les changements majeurs étaient peu nombreux au niveau de la grammaire… ils devaient résider principalement dans les formulations de la langue orale, et cela, ce n’était pas les ouvrages de référence qui le recensaient. Il allait effectivement devoir outrepasser sa misanthropie et se mêler aux foules ténébrisoises pour en apprendre davantage… Cependant, il avait peur de ce qu’il y entendrait, ce qu’il y découvrirait. Il était un temps où il avait très bien pu se confondre avec ces masses agitées, aimant à rire pour un rien et se moquer de tel ou tel comportement en buvant un bon coup, mais sa conscience maintenant profondément établie ne le lui permettrait plus… pas de s’enivrer d’alcool, mais de se laisser à rire de la nature humaine… de la bêtise humaine et son absurdité. Le regard dans le vide, loin dans ses pensées, mais les yeux toujours posés sur le Bescherelle, Vullpjha demanda calmement: «Aimez-vous l’humanité, Monsieur Vyle?», et, comme s’il reprenait conscience de sa présence en prononçant son nom, il leva les yeux sur lui. Son regard avait quelque chose comme un voile de tristesse et était perçant, exigeant une réponse.

« La liberté est une notion propre à chaque individu. Saviez-vous que pendant la guerre, les prisonniers qui étaient dans les camps de concentrations ne recevaient qu'une seule ration de pain et d'eau ? A votre avis que faisaient ils ? Au lieu de manger quand les matons leur donnaient, ils ne s'alimentaient que lorsqu'ils l'avaient décidé. Ainsi donc ils se disaient libres... libres de manger quand bon leur semble. Alors, ne me demandez pas si je suis libre... tout est subjectif ! »

Vyle regardait son interlocuteur et se rassit sur sa chaise de bureau. Il posa son coude sur l'un des accoudoir et glissa sa tête dans la paume de sa main. Cette nouvelle posture lui donnait un air faussement négligé, mais vraiment réfléchit. Un petit sourire en coin. Il ne répondait que rarement aux questions. Il aurait dû être philosophe ! Mais l'art de manier les mots n'étaient pas donné à tout le monde.

Quand l'elfe lui posa une nouvelle question, il haussa un sourcil. Quelle drôle d'idée. Qui aimait l'humanité ? Les humains ? Oh non ! Eux même se fuyait, il n'y avait cas les observer dans un ascenseur, à se jeter des regards en biais, plein de méfiance et de rancœur. Un nouveau rictus se dévoila sur son visage. Il n'était pourtant pas rieur, presque mauvais mauvais même. Avec cette réponse là, il répondait également à toutes les autres du correcteur en face de lui.

« Si j'aime l'humanité... ma fois, je l'aime bien avec de la moutarde... »

(HJ : Souvenir, souvenir, tu te souviens? XD)

[HJ : Ah, bah… non, tiens, je n’avais aucun souvenir de ce post de poupou! x)
Sinon, voici enfin ma réponse! J'l'ai écrite vite, hein! Alors, un peu d'indulgence. ^^'']

Le rictus sur le visage de Vyle avait quelque chose d’étrange… Venait-il de lui faire une déclaration de cannibalisme ou de «carnivorisme»? Là résidait la question… mais rares étaient les humains qui auraient signalé à un pur inconnu leur penchant alimentaire pour leurs congénères… De plus, un fervent représentant de cette race aurait simplement répondu par l’affirmative, sans chercher plus loin… Ainsi donc!

Vulpjha écarquilla les yeux – en pinçant un peu le nez en songeant à la moutarde… pouah! – devant cette évidence maintenant dévoilée, absolument sans équivoque. Serait-il donc un loup-garou? Certainement pas… il semblait impossible à Vyle que des loups-garous vivent ailleurs que dans la tribu en forêt. Il ne connaissait pas exhaustivement les autres créatures ténébrisoises, mais en avait quand même croisés bon nombre dans les locaux de l’U.D.P.H. Il pensa donc à toutes ces personnes à qui il avait pu plus ou moins parler. Il se souvenait d’un vieux démon avec qui il n’avait pu converser longtemps : ils ne s’entendaient définitivement pas et il lui parlait de viande comme s’il s’agissait du plat suprême. Sinon, une médusa… mais il n’était pas sûr de son mode alimentaire. Mais bon… une chose était certaine : Vyle était bel et bien une créature! Pour toute réponse, l’elfe ne fit qu’un hochement de tête accompagné d’un sourire en coin. Son regard triste était disparu. Il regarda de nouveau la carte avec la fameuse adresse inconnue et toutes ses questions lui revinrent en mémoire. Montrant la carte au journaliste, il demanda

«Alors… Où dois-je me rendre pour ce rendez-vous? … et quand, surtout? Croyez-vous que ce soir ou cet après-midi même soit possible? Sachez bien que les rues me sont plus ou moins étrangères…»

En effet, depuis le temps, il ne savait plus très bien comment se diriger en ville. Déjà, pour arriver aux bureaux du Ténébris Sunlight, il lui avait fallu se perdre, alors qu'il avait noté le trajet... s'il devait trouver cette adresse de lui-même, il y mettrait des jours! Et puis, bon... il avait pas forcément envie de rentrer chez lui pour revenir en ville le lendemain ou plus tard dans la semaine.

(HJ très bonne réponse, ne te bile pas <3 )

Vyle secoua la tête. Il n'était pas du genre à donner des informations gratuitement. Et encore moins sur l'OM. Il était hors de question qu'il livre ses secrets tous cuits dans le bec de l'elfe. S'il voulait démontrer son intérêt pour autre chose que lui-même, il devrait faire preuve de débrouillardise. Le journaliste soupira.

« Rendez-vous juste là-bah, quand vous voudrez, à l'heure que vous voudrez. Peut importe. Tenez, prenez ça ! Je n'ai aucune intention de faire de l'elfe-sitting ! » dit il en lui donnant un plan qui se trouvait dans un tiroir de son bureau.

« Il n'est pas neuf, mais ce sera suffisent. Le nom de la rue s'y trouve. Débrouillez-vous ! Je ne vais pas non plus éplucher vos bananes ! » dit il avec une impatience non dissimilée.

Ah… donc, il n’avait pas à prendre rendez-vous. Tant mieux. L’elfe avait dû mal comprendre… ou prendre cela pour acquis. Cela dit, il prit mal le commentaire du journaliste sur « l’elfe-sitting », comme s’il avait besoin qu’on le conduise jusqu’à la porte! De simples directives, ou une carte en l’occurrence, feraient amplement l’affaire! Au pire, il risquait de se perdre un peu, mais avec une base et une ressource, il s’en sortirait… Aussi, il fit la moue en entendant le néologisme… Cela confirmait que Vyle avait bel et bien identifié sa race, tandis que lui-même en était encore à tenter de déduire la sienne! Il se sentait pris au piège, alors qu’il était au fond en présence d’un allié. Son anonymat tombait par grosses lattes et il se sentait dénué à chaque couche qui tombait, sentait un précipice sous ses pieds dans lequel il tombait à vive allure, voyant le sol épineux s’approcher. Un genre de vertige interne le prit avant qu’il n’empoigne la carte. Il finit par articuler, un fond d’offense dans la voix : «Merci bien.» Puis, il ajouta : «… pour la carte... et pour les livres.» en levant ceux-ci, comme pour protester sur tout le reste.

L‘ermite portait sur le chroniqueur des yeux accusateurs, comme s’il lui demandait muettement une lettre d’excuses signée. Vyle ne le connaissait définitivement pas pour avancer de pareilles sottises… Vullpjha avait su largement se débrouiller ces dernières années et ce n’était pas de trouver une adresse dans Ténébris qui relèverait de l’exploit du siècle… Il n’avait demandé qu’un peu d’aide, d’indications, histoire d’y parvenir rapidement. Par contre, il imaginait mal Vyle arriver à survivre comme il l’avait fait en pleine forêt, presque sans ressource, se terrant au moindre son suspect pour sauver sa peau. De plus, les humains se faisaient plutôt rares dans ces parages, s’il s’agissait bien du régime de celui qui se tenait devant lui, il serait rapidement au régime dans les bois!

Ainsi, Vullpjha continuait de répertorier du mieux possible les espèces carnivores de Ténébris, et celles préconisant la chair humaine – de nouveau un haut-le-cœur le prit – et il finit par n’y voir que quatre possibilités dont deux étaient plutôt écartées : elfe noir – on voyait distinctement ses oreilles, alors bon –, loup garou – il n’était définitivement pas de la meute –, démon ou harpie, ce dernier semblant davantage seoir à M. Dahl Maz Yien, d’autant plus qu’il lui trouvait une espèce d’acariâtreté… Voilà, il était fixé… Au pire, il se trompait, auquel cas il se ferait sans doute rabrouer assez vite.

«Sachez également que je n’aie nul besoin d’un harpie pour guider mes pas. La débrouillardise a su me tirer d’affaire maintes fois…»

Sur ces mots froids exprimés d’une voix neutre, il s’apprêta à partir, rangeant ses acquisitions dans son sac en bandoulière et se pliant légèrement devant Vyle en ajoutant : «Si je puis me permettre de vous tirer ma révérence, Monsieur Dahl Maz Yien…»

Vyle regardait l'elfe. Harpie. Il avait visé juste. Mais en même tans il n'y avait pas tans de race que ça qui bouffait de l'humain. Vampire, loup-garou et les harpies... Enfin après certaines personnes étaient dérangées et rien n'empêchait certaines tendances au cannibalisme... Mais ce n'était pas son cas. Non il n'était pas fou... enfin pas plus qu'un autre... si, plus qu'un autre. Mais la paranoïa n'était pas plus grave que le cannibalisme... lui c'était pas par vice s'il en mangeait des humains... même s'il devait avouer qu'il prenait un certain plaisir à être un prédateur de ces misérables vermines.

Il hocha la tête quand la créature de la forêt le remercia pour les bouquins et la carte. Allons bon, c'était la moindre des choses, surtout s'il voulait voir ce type les rejoindre. Il le salua à son tour.

« Une révérence... mais à quelle époque êtes vous donc née ? Bref... mes salutations gentilhomme... Et bientôt... si vous survivez d'ici là... » dit il avec amusement

(HJ: sujet clos?)