Celui qui à dit que la cuisine c'est de la chimie est un con![PV]

Raphaëlle vociférait. Elle était bien à deux doigts d'envoyer son livre valser par la fenêtre du treizième étages, risquant ainsi d'assommer un passant au bas de l'immeuble, chose qui l'indifférait au plus au haut point, surtout à ce moment précis. Elle partit en mode fouille archéologique pour trouver le sucre dans cette foutue cuisine... Purée, mais où sa colocataire l'avait encore fourrer ? Pas dans le four ! Ni dans le placard d'assiette, ni dans le lave-vaisselle...peut être dans le micro-onde ? Elle ne s'occupait jamais de cuisiner ! Qu'est ce qui avait bien pus lui prendre de vouloir essayer... Ah puis un stupide pari fait avec une débile secrétaire de l'UDPH, qui lui avait affirmé que malgré son QI élevé elle ne serait même pas fichu de faire un basique cake. Faire un gâteau, ce n'était pas du gâteau !

La cuisine était dans un état lamentable. De la farine partout, des coquilles d'oeufs jetées à la va vite sur la table. Des ustensiles jonchaient le sol, une bouteille de lait vide était renversée sur la table. Bref un véritable carnage... On aurait dit une scène de crime avec traces de luttes...

Alors qu'une énième soirée au Darkness Pub venait de s'achever pour Odessa, une ondée se déversait sur la ville de Tenebris. La jeune fille venait tout juste de terminer son concert quotidien, et voilà qu'il se mettait maintenant à pleuvoir. Elle eut une pensée pour le parapluie qu'elle avait laissé posé sur la table de la cuisine. Si seulement elle y avait pensé !

L'eau trempait ses longs cheveux qui ruisselait dans son dos. Glacée, elle n'avait aucune autre envie que celle de s'affaler dans son lit sans même prendre le temps de se changer. Depuis ce matin, elle n'avait pas le moral, et même si habituellement, chanter l'aidait à se sentir plus joyeuse, ce n'était pas le cas.

La vérité c'était qu'elle commençait sérieusement à se lasser de sa petite vie de cobaye. L'avenir lui paraissait si noir, à elle qui avait perdu tous ceux qui lui était chers. Il ne lui restait désormais plus que sa colocataire loufoque et à côté de ses pompes : Raphaelle..

"Faut s'y faire..." murmura t-elle en esquissant un bref sourire seule, face à la porte d'entrée.

Elle entra doucement dans l'appartement, de peur de réveiller la scientifique, qui pouvait peut-être dormir à cette heure ci. A peine eut-elle mis un pied dans l'appartement que sa bouche s'arrondit.

Le chaos. Raphaelle farfouillait dans la cuisine en balançant tout et son contraire à même le sol, déjà jonché de déchets multiples.

"Mais.... Qu'est-ce qui s'est passé Raphaëlle ?"

Elle ne put s'empêcher d'appuyer ses paroles en ramassant quelques ustensiles tombés au sol.

Alors que Raphaëlle était agenouillée sous la table pour chercher un truc, Odessa entra dans la cuisine. Elle se redressa... et se cogna fortement la tête contre la table.

« Ailleuh!! Tu aurais pu faire attention tout de même! Et c'est à cette heure là que tu rentres? Ça fait une heure que j'ai besoin de toi!! Je cherche le sucre! Tu l'as caché où? J'ai chercher dans le four, dans le mico-onde... dans les placards... il n'y a rien! On en a au moins? » Elle se frotta la tête. C'était douloureux. Si elle avait réfléchi, elle aurait prit des glaçons pour ce les placer sur sa future bosse. Elle leva les yeux vers sa co-locataire...

« Une des des abrutie de sectaire m'a dit que je serais infichue de faire un banal cake. Et que un QI élève ne voulait pas dire que l'on été intelligente... » Elle fit une moue boudeuse

« Je vais jamais m'en sortir, ça fait 4 heures que je suis là et rien ne se passe... »

La scène qui se produisait sous les yeux d'Odessa lui donnait autant envie de s'effondrer de fatigue que de rire aux éclats. C'était souvent l'effet que lui faisait sa colocataire, et pourtant, elle ne s'y était jamais complètement habituée.

C'était donc ça ? Tout ce chaos n'existait que dans le but de répondre à un défi lancé par un collègue peu scrupuleux et de surcroît, qui ne vivait pas avec Raphaelle, lui.

"Raphaelle !! Est-ce que ça va ?"

La jeune fille poussa un petit soupir et posa rapidement ses affaires sur une chaise. Sa longue robe pailleté était encore sur elle, et elle ne prit pas le temps de l'enlever : son amie avait besoin d'elle !

Elle ouvrit immédiatement le frigo et colla un paquet de petits pois surgelés sur la future bosse de la scientifique. Elle leva ensuite son index en direction du plan de travail.

"Tu sais, le sucre est juste là.... Je suis vraiment désolée !!"

Désolée de quoi, tout le monde aurait bien aimé le savoir, puisque la boite qui contenait la recherchée poudre blanche portait l'inscription de "Sucre" en grosses lettres rouges.

"Pour me faire pardonner, tu me laisses t'aider à faire ce gâteau ?"

Raphaëlle souffrait de la tête quand soudain Odessa lui posa un sachet de petits poids sur le crâne. Cela lui soulagea tout de suite la sensation de chaleur que dégageait du choc qu'elle avait reçu. Quand elle regarda l'index de sa colocataire en direction de la fameuse boite... elle leva les yeux au ciel.

« Quelle idée aussi de ranger ça dans un truc aussi évident... je pensais que c'était un piège moi... » mentit-elle... très mal.

Elle bougea un peu. Puis grimaça. Elle avait un peu mal. Légèrement sonnée d'ailleurs! Elle leva les yeux vers son cobaye. Elle hocha la tête pour lui donner son accort et cela lui refait mal à nouveau.

« Tu ne diras pas à l'autre godiche que tu m'as aidée au moins? Sinon je serais la risée de tout l'UDPH! Je suis tellement plus intelligente qu'eux Odessa... comment je ne peux pas savoir faire un simple cake dis moi? J'ai deux doctorats en physique, j'ai une licence de chimie et un master de biologie... mais je suis infichue de faire un cake... Un cake que même une secrétaire ayant 75 de QI sait faire elle!!! Pourquoi! » Elle leva tristement les yeux vers elle. Toujours aussi paumée qu'avant.

Les trois chats ayant entendu l'agitation vinrent taper l'incruste dans la cuisine. Proton sauta sur les genoux de Raphaëlle. Electron monta sur la table et commença a léché les restes de pâte ratée qui avaient tout éclaboussés et Neutron se frotta aux jambes d'Odessa... Ils ne manquaient plus qu'eux pour clore le chapitre "un chaos dans ma cuisine".

L'attitude de Raphaelle attendrit comme toujours Odessa qui esquissa un sourire sincère à son amie. Depuis qu'elles vivaient ensemble, bon nombre d'aventures Raphaellesques avaient secoué leur quotidien et la demi-banshee songea un instant qu'elles auraient été le bon sujet d'une série de livres pour enfant. "Raphaelle fait un gateau maison" aurait été un best-seller.

Odessa débordait d'affection pour Raphaelle, mais aussi curieux que cela puisse paraître, elle n'avait jamais osé le lui avouer. Elle se contentait de prendre soin d'elle à la manière d'une soeur pour lui exprimer ses sentiments.

"Je suis désolée ! Je ferais plus attention la prochaine fois !"

A peine eut-elle le temps de s'excuser une énième fois que sa colocataire au bord de larmes se mit à vider son sac. Odessa fut attristée de voir son amie dans cet état là et lui prit immédiatement la main.

"Ne t'inquiète pas, je vais t'apprendre ! C'est vrai que ce n'est pas évident quand personne ne nous a montré avant ! Et le cake qu'on va faire sera meilleur que le sien, je te le garantis, elle regrettera de s'être moquée de toi !"

Tout en papotant, Odessa mit un peu d'ordre sur le plan de travail, rangea les ingrédients inutiles et en sortit d'autre.

"Je vais te montrer une de mes recettes préférées, c'est mon père qui me l'avait appris."

Penser ne serait-ce qu'une seconde à celui qu'elle appelait son père la fit frissonner et son regard s'assombrit. Où était-il ? Allait-elle un jour le retrouver ? Même si vivre chez Raphaelle était formidable, parfois, il lui manquait terriblement.

Toujours avec son sachet de petits poids sur la tête, Raphaëlle caressait Proton affectueusement, en regardant ses deux autres chats. Comme toujours Odessa se confondait en excuse alors que ce n'était pas de sa faute. C'était là, tout le schéma de leur relation. La scientifique qui commettait des erreurs, incapable de l'admettre et s'en prenait à son cobaye qui se sentait responsable. Malgré son mauvais caractère, elle n'était pas mauvaise avec elle non, même au contraire. Mais il fallait admettre que c'était la chanteuse qui s'occupait d'elle et non l'inverse comme l'aurait voulu la pratique. Et puis la physicienne avait un certain respect de la vie, ce qui faisait qu'elle protégeait la créature dont elle avait la charge au mieux, ne tolérant que personne ne lui fasse du mal...

« Bah voilà !!! Moi si je n'ai pas appris quelque chose je ne peux pas le savoir ! Tu crois, que comme cette idiote, j'ai passé mon enfance à faire des gâteaux avec ma mère, moi ? Non j'avais bien mieux à faire, moi ! J'étudiais ses putains de textes de lois que mon père voulait que je connaisse, quand j'avais un peu de temps je lisais des ouvrages sur les étoiles ! Hein voilà ! Je n'ai pas eu le temps de faire des choses aussi futiles, moi ! »

Elle cherchait toujours à se justifier de son ignorance, ne le supportant pas. Même si elle avait apprit à faire de la cuisine, elle y aurait fait un vrai carnage. Combien de fois se serait elle coupée ? Combien de fois se serait elle brûlée ? Tellement maladroite... il était préférable qu'elle reste le plus loin possible des fourneaux.

« Le Docteur Anthem savait cuisiner ? » demanda t'elle étonnée.

Tout en versant de la farine dans un saladier propre, Odessa écouta le sourire aux lèvres la plainte de son amie. Depuis qu'elle la connaissait Raphaëlle avait toujours été comme ça et c'était bien l'une des raisons qui la poussait le plus à l'apprécier.

"Exactement, répondit-elle, de toute façon elle est sans aucun doute jalouse de ton intelligence !"

Si la phrase pouvait paraître ironique, il n'en était rien. Odessa était plus que sincère, et le fait que sa colocataire ne reconnaisse pas le sarcasme quand il existait faisait que sa naïve gentillesse ne soit pas mal perçue.

Comme deux coeurs brisés qui s'imbriquaient, Odessa et Raphaëlle étaient aussi différentes que complémentaires et leur présence mutuelle les apaisait l'une et l'autre régulièrement.

Lorsqu'elle entendit son amie évoquer le docteur Anthem, son sourire se brisa légèrement. Elle eut une pensée tendre envers son père adoptif disparu. Elle ne perdait pas espoir de le revoir un jour et essayait sans cesse de chasser l'idée qu'il l'avait abandonnée de son esprit.

"Oui, il était d'ailleurs très doué ! Il disait souvent que la cuisine, c'était comme la chimie !"

A peine eut-elle le temps étouffer un rire nerveux qu'elle se rendit compte de sa bêtise. Paniquée, elle lacha l'oeuf qu'elle tenait entre ses mains et celui-ci s'écrasa contre le sol déjà bien sali par les prouesses culinaires de Raphaëlle.

"Enfin, tu sais il disait ça comme ça ! Il était un peu farfelu aussi ! dit-elle très rapidement en tenant ses joues rougissantes. La cuisine c'est pas vraiment de la chimie, c'est un peu différent, regarde moi je suis nulle en chimie et plutôt bonne en cuisine ! Et toi tu es bonne en chimie et nulle en cuisine !"

Et voilà qu'elle s'enfonçait ! Qu'allait donc penser Raphaëlle ? Odessa ne savait vraiment plus ou se mettre et elle continuait à se répandre en excuses sans trop savoir comment rattraper ses maladresses.

(HJ : Hahaaa quel plaisir de te jouer avec toi ! ^^ )

Raphaëlle se leva de sa chaise faisant sauter Proton de ses genoux par la même occasion. Elle attrapa Électron, qui léchait le plan de travail et le déposé doucement à terre, non sans l'avoir caressé auparavant. Elle gratta le sommet du crâne de Neutron, avant d'ouvrir la fenêtre de la cuisine, qui donnait sur le minuscule balcon.

« Aller ! Zou ! Dehors ! » dit elle sèchement mais avec tendresse aux trois félins qui vivent chez elle.

Puis, elle ferma l'accès à la pièce, pour avoir la paix. Déjà que la préparation d'un gâteau était pour elle un véritable défi, si en plus elle s'encombrait de ses trois petites boules de poils, ce serait encore plus infernal. Elle rangea ensuite le sachet de petits pois dans le congélateur et vint se poster à côté de sa petite cobaye. Elle fronça les sourcils à ses propos.

« Je me vois contrite de te dire que c'est n'importe quoi ! Et ceux qui prétendent que la cuisine et la chimie c'est la même chose, ce sont des cons ! » dit elle un brin énervée par la remarque.

Mais elle se radoucie en la voyant s'enfoncer alors qu'elle essayait de se justifier. Odessa était toujours comme ça. Dès qu'elle disait une chose susceptible d'agacer ou de mettre en colère sa patronne, elle essayait tant bien que mal, de se sortir de ce mauvais pas. La rouquine haussa les épaules.

« Ce n'est rien Odessa. Tu sais quoi ? On s'en fiche. Apprends moi donc à faire ce cake ! Que cette stupide secrétaire se taise une bonne fois pour toute ! » dit elle avec un sourire réconfortant

Elle observa ses mouvements, se disant que ce n'était peut-être pas si compliqué que cela. Elle reprit le livre de cuisine. Elle lit une première fois la recette dans sa tête, puis exaspérée elle se mit à grogner. C'était vraiment n'importe quoi ! Les gens qui écrivaient ses choses se moquaient des autres ! Elle avait dû prendre un livre canular, elle ne voyait pas d'autre option à la stupidité des propos de ce qu'elle était en train de lire.

« Blanchir les œufs* ? Mais qu'ils sont cons ! Sérieux, Odessa ! C'est une blague ? On ne va pas y mettre de la peinture, c'est nocif ! » dit la rouquine à deux doigts de lancer le livre par la fenêtre.

(* c'est battre les jaunes d’œufs avec du sucre )