The harder the heart (the harder it breaks) PV Manu

Une autre soirée bien remplie. Kael venait de terminer une transaction avec son père et son frère. Sa jambe était encore douloureuse, mais il cachait facilement son mal devant les membres de sa famille. Il regarda l’heure sur la grande horloge du hall d’entrée et pris les clefs du camion avant de lancer un regard entendu à son frère qui haussa les épaules et lui tourna le dos. Le démon fit de même en fermant la porte derrière lui avec fracas. Il descendit les marches et traina les pieds jusqu’au garage où il pénétra dans la voiture qui sentait bon le cuir. La nuit était fraiche et les nuages cachaient le ciel et les étoiles. Il entra dans la grande rue et traversa la ville à vive allure avant de se garer devant l’immeuble rectangulaire.

Il enfouit les mains dans ses poches et gravit les escaliers lentement et s’arrêta devant la porte. Il appuya son front contre la vitre et posa sa main sur la poignée en fermant les yeux. Le vent soufflait dans son dos l’apaisant un peu. Il tourna la poignée et ouvrit la porte doucement avant d’entrer et de poser un regard sur le salon obscure. Il ferma la porte aussi lentement qu’il l’avait ouverte et retira son coat de cuir qu’il alla poser sur le sofa en fouillant la pièce des yeux. Les lumières étaient éteintes et seules la lueur des lampadaires éclairait un peu le salon et la cuisine qui étaient reliés. Il regarda la porte de la chambre qui était entrouverte et y jeta un œil : rien. La pièce était vide. Le lit défait, le linge au sol avec quelques cahiers de dessin. Son ordinateur était ouvert sur son lit, branché à plusieurs fils de couleurs. L’écran clignotait et affichait des chiffres et des lettres mélangés qui filaient devant ses yeux à vive allure. Kael fronça les sourcils, poussa la porte avec sa paume et se glissa dans la chambre moite et tamisée. Il s’approcha de l’ordinateur avant de se pencher vers l’écran pour regarder la série de nombre et de codes défiler devant ses yeux. Il n’avait jamais rien compris au hack. Sa fonctionnalité, son but, son existence. Le démon pinça les lèvres et jeta un œil vers la porte qui menait au salon.

Je ne suis pas quelqu’un de très impatient. Bien au contraire. Ma patience pourrait me faire défaut. Mais pour être un bon hacker il faut savoir être patient. Vraiment patient. C’est une force chez moi je crois. Avec six frères et sœurs, j’imagine que ça se développe tout seul. Bref. Je ne dis pas ça pour rien dire. Puisque je suis quelqu’un de patient, lorsque je dois hacker des systèmes informatiques faciles, mais long à infiltrer, j’utilise simplement certains programmes que j’ai pris le temps d’installer sur un petit disque dur, mais pendant ce temps, je n’ai pas grand-chose à faire, alors je m’occupe. Aujourd’hui l’idée m’était venue de tenter d’entrer dans le système de sécurité d’une compagnie de logiciels informatiques. J’aime bien tester les gens et briser un peu leur bonheur. Eux qui pensent avoir la meilleure protection et des codes indéchiffrables. Idiots! I will break your dreams. Plus tard durant la soirée, j’ai décidé de relier mon ordinateur au système informatique de la compagnie, en utilisant mon disque dur, bien sûr. Mais que faire durant ce temps? J’avais eu ma dose déjà de stupéfiants. Mes doigts étaient en sang à cause de la guitare. Je pense bien avoir joué trois heures, peut-être plus, le temps que les effets s’estompent.

Immanuel était resté un moment à regarder son écran sans bouger. Ses yeux avaient, par la suite, parcouru la pièce et il s’était levé, avait retiré son linge et l’avait laissé au sol avant de se diriger vers la salle de bain en agrippant un jogging qu'il imagine, était propre.

Il ouvrit finalement les yeux et observai le savon qui glissait entre ses doigts alors que l’eau chaude coulait dans son dos. Je ne sais pas pourquoi je prends toujours ce savon, il a cette odeur étrange qui reste prise dans la gorge… Je devrais changer, je déteste ce savon. Il le posa sur le bord du bain et se rinça en silence, puis sortit tout en se séchant.

La serviette posée sur les épaules, Immanuel enfila ses joggings et sortit en fredonnant l’air qu'il pense bien avoir joué plus tôt dans la journée. En ce moment encore, j’ai l’impression d’halluciner. Les couleurs sont étrangement plus vives. Je crois. Peu importe. Il marcha lentement dans le salon et s’arrêta devant la porte de sa chambre en retenant son souffle. Quelque chose n’allait pas. Il se mordit la lèvre et poussa la porte le plus doucement possible pour découvrir la silhouette assise sur son lit, immobile devant l’écran de son ordi.

-Kael? Souffla-t-il en s'accrochant à la poignée, une main sur le cœur.

Kael sursauta et se retourna vers Immanuel qui le regardait, immobile dans le cadre de porte. Le démon lui offrit un mince sourire avant de se tourner à nouveau vers l’écran.

-Qui est l’heureux élu ce soir? Fit-il nonchalamment en haussant les sourcils.

Il passa une main dans ses cheveux et fit une moue interrogative en levant les yeux vers l’humain qui était silencieux. Kael lui montra sa main et l’incita à venir s’asseoir à ses côtés. Le travail de Manu l’avait toujours impressionné. Jamais il n’avait été capable de comprendre comment tout cela marchait, même si Manu lui avait expliqué un million de fois et tenté de lui montrer. Il le regarda un moment avec envi. Décidément, il était arrivé au bon moment. Il regarda de nouveau l’écran qui affichait toujours des codes et des messages d’erreur.

-Ça n’a pas l’air de marcher, fit-il remarquer en fronçant les sourcils.

Son sourire fit frissonner Immanuel, même si ce n’était pas le sourire provocateur auquel il est, ou pas encore vraiment, habitué. Il hésitait à répondre et se mordit une fois de plus la lèvre en évitant de le regarder. Un mouvement dans sa direction le fit baisser les yeux et il observa la main qui s’ouvrait devant lui, invitante. Immanuel la pris lentement et se laissa guider jusqu’à lui, puis posa les yeux sur l’écran avec incertitude. Il voyait les nombres passer à une vitesse folle.

-C’est une compagnie de logiciels informatiques qui a eu la mauvaise idée de se vanter de la sécurité de son système, fit-il tout bonnement en haussant les épaules.

Le vent fouettait les branches d’arbres à l’extérieur et lui fit lever les yeux. La pluie allait surement bientôt s’abattre sur la ville. Depuis quelques jours il faisait terriblement chaud et humide, j’ai attendu cet orage avec impatience. Mon appart n’est vraiment pas fait pour les étés chauds et les hivers froids. Malgré l’insistance de Kael je ne peu me résoudre à emménager chez lui durant plusieurs jours. J’ai besoin de mon confort et de mes affaires.

Son attention fut à nouveau portée sur l’écran et il fronça les sourcils avec inquiétude. En effet je ne semble pas parvenir à pénétrer dans leur système.

-Fascinant, minauda-t-il en pianotant sur son clavier. Ils semblent avoir un deuxième logiciel de protection, mais avec une intelligence artificielle cette fois. Je ne pourrai pas passer au travers avec mes simples codes déjà tout fait. Je vais devoir faire le tout à la main. Je sais que la patience n’est pas ta plus grande force, mais je vais devoir te demander de ne pas me déranger. Fais-moi un sandwich, veux-tu?

Il se tourna vers Kael et lui offrit un large sourire espiègle avant de se tourner à nouveau vers son clavier et son ordi qui n’attendait que le moment de briser la sécurité de cette compagnie qu'il a, étonnement, jugée trop vite.

Le grand roux se pencha vers son écran et le démon fit de même en fronçant les sourcils, ne comprenant rien aux messages codés et au baragouinage d’Immanuel. Décidément, les hackers faisaient partis d’un autre monde. Kael arqua un sourcil incrédule et dévisagea son amant un moment, interdis. C’était bien rare qu’Immanuel lui donnait des ordres. Son sourire le convainquit tout de même d’aller à la cuisiner. Il se leva lentement sans le quitter des yeux et recula jusqu’à la porte. La cuisine était sombre et étroite. Il s’y cognait toujours et parfois ses cornes restaient prises dans les portes des armoires. Cet endroit n’était pas fait pour une créature comme lui qui est habituée aux grands espaces d’un immense manoir perdu dans les montagnes. Il prit tout son temps pour faire les deux sandwichs, laissant Immanuel tranquille le temps qu’il règle ses problèmes. Il aurait bien voulu l’aider, mais la complexité de la tâche l’empêchait de pouvoir faire quoi que ce soit. Il retourna finalement dans la chambre après quelques minutes et s’installa aux côtés du bel homme, penché sur son clavier.

-Et puis? Fit-en posant les assiettes sur les draps.

À son plus grand bonheur Kael se leva et sortit de la chambre, lui donnant ainsi le temps de régler cette légère complication. Immanuel poussa ses lunettes sur son nez et reniflai un coup tout en se penchant vers son clavier à nouveau. Je fais souvent ces gestes quand la tâche se montre ardue. Je pousse mes lunettes et renifle. C’est plus fort que moi. Ça m’aide à me concentrer, je pense bien. Bref. J’ai jugé cette compagnie trop vite et si je ne fais pas vite et attention je risque de me faire prendre par la sécurité de la compagnie et elle aura tôt fait de me retracer. Je ne peux plus commettre d’erreurs. Pas après que l’UDPH m’ait recruté. Je n’aurai malheureusement pas de deuxième chance. Il entreprit alors de retracer les codes perdus et de les assembler avant de taper une série de chiffres qui lui permettrait de briser la première barrière du système intelligent. Un jeu d’enfant. Le reste se montra plus complexe. Il fronça les sourcils en voyant des symboles s’aligner sous ses yeux. Il n’avait jamais vu quelque chose de semblable. La difficulté fit monter l’adrénaline en lui et il se mit à jubiler devant son écran.

Immanuel se frotta les mains et plissa les yeux avec la plus grande concentration possible. Rien ne devait le déranger maintenant. Lorsque Kael revint il ne lui répondit pas. Je dois rester concentrer, la moindre erreur me mettrait dans les emmerdes. La série de symbole continuait de filer sur l’écran et ses mains tremblantes se mirent à inscrire des codes qui formèrent des symboles à leur tour. Il eut l’immense satisfaction de voir qu'il commençait à percer la sécurité de leur système. Hacker est beaucoup plus satisfaisant que gamer rien ne se compare à ça ; l’adrénaline, le danger et le bonheur de résoudre de nouveaux problèmes.

Un étrange déclic se fit entendre et il enleva ses lunettes en poussant un soupir de satisfaction. Immanuel se tourna par la suite vers Kael et lui offrit un sourire enjoué.

-C’est fait.

Il resta songeur en prenant le sandwich dans ses mains.

-Qu’est-ce que je devrais écrire comme message? Don’t overrate yourself ?

Il gloussa et se tourna une seconde fois vers l’écran qui affichait une boite blanche avec une série de chiffre l’encadrant et qui clignotait en rouge. Il reposa le sandwich dans l’assiette avant de passer ses mains dans ses cheveux humides qui lui tombaient devant les yeux, Immanuel décida de les attacher sur son crâne pour libérer un peu son visage qui rayonnait de bonheur.

Le démon resta interdit aux côtés de son amant, silencieux. Un bruit se fit entendre et il se tourna vers Manu l’air inquiet, mais le sourire de ce dernier le rassura. Il tremblait de joie. Kael ne comprenait pas ce qui pouvait rendre Manu si heureux lorsqu’il hackait des gens, mais la lumière qui brillait au fond de son regard souvent morne le fit sourire à son tour.

-Ça n’a pas été trop long, émit-il en se tournant vers l’écran sourcils froncés.

Kael regarda Manu du coin de l’œil en plissant le front, sceptique.

-Don’t overrate yourself? Fit-il du bout des lèvres en passant une main dans ses cheveux. Je… j’imagine que c’est pas mal.

Il observa Manu alors qu’il attachait ses cheveux et un nouveau sourire étira ses lèvres.

Personne ne peut comprendre le feeling qu’une aussi belle réussite peu produire en nous. Hacker de grandes compagnies c’est un peu comme… Non je n’ai pas d’exemple, c’est inexplicable, incomparable. Personne ne peut comprendre avant d’avoir essayé. Comme le skate, dévaler une pente à toute vitesse procure ce sentiment de liberté que nous ne pouvons avoir en restant cloué chez nous; si hacker n’est pas notre force évidement, sinon passer des journées enfermé est plus jouissif que de sortir. Selon moi. Je déteste sortir. Les journées de pluies sont les meilleures avec les journées ensoleillées, mais seulement s’il y a du vent qui pousse de gros cumulus blancs au travers du ciel bleu. Se coucher dans l’herbe et regarder le ciel parsemé de nuages, une brise chaude dans le visage, ça fait rêver… La campagne me manque terriblement, si un jour l’occasion se présente, je vais aller vivre à la campagne. J’adore l’air pur et les paysages de la campagne et des montagnes, ce sont les seuls lieux où nous pouvons croire qu’il y a une certaine liberté possible dans cette ville entourée d’un mur sans fin. Bref. Le pouvoir que nous possédons lorsque nous perçons les barrières informatiques d’une compagnie ou autre est tel, que la névrose semble être normal. Tous les tors s’envolent, les problèmes disparaissent durant un court instant. Je n’ai plus peur de rien : je contrôle le monde, je suis celui que l’on doit craindre. Venom. J’ai choisi ce pseudo puisque Kael me comparait à un dangereux poison qui infecte systèmes informatiques après systèmes informatiques. Une fois que mes crocs sont plantées je laisse le poison faire le reste. Lentement mais surement. Voilà. Je traque mes proies de longues heures durant avant d’enfin ouvrir la gueule et de mordre là où c’est tendre. Je me sens un peu comme un vampire, de l’informatique. Boire leur énergie vitale et refaire mes forces en drainant les leurs. Quelle vie… What an awesome feeling. I can never get enough of it. I always want more, just like drugs. I can’t wait till the next shot… The feeling man. You have to try it to know it…

Immanuel sentit le regard de Kael le parcourir et il frissonna avant de tourner son visage pâle vers lui. Son sourire fit frémir son corps à moitié couvert.

-Quoi? Fit-il en souriant. J’ai quelque chose dans le visage?

Il gloussa et prit le sandwich qu’il passa devant les yeux à Kael, tout sourire.

-Merci pour le souper.

Ils terminèrent leur repas en silence, puis Manu se tourna complètement vers Kael, l’air mystérieux.

-J’ai quelque chose à te demander. Je te rassure ce n’est pas une demande en mariage, je sais à quel point tu tiens à ton indépendance et ta liberté.

Il se tourna vers son ordinateur et pianota sur le clavier quelques secondes avant de se tourner à nouveau vers son démon.

-Il y a un show au bar proche d’ici. Je sais que tu ne partages pas vraiment mes goûts, mais je me suis dit que tu aimerais tout de même donner une chance à mon band favori?

Il lui offrit un petit sourire avant d’approcher son visage du sien.

-C’est dans longtemps, tu n’es pas obligé de dire oui maintenant. Je suis patient.

Il lui fit un clin d’œil avant de poser ses lèvres contre les siennes avec passion, posant une main sur sa cuisse et l’autre la glissant dans sa nuque.

Kael sourit en haussant les épaules.

-Ça fait plaisir.

Le petit air de Manu l’inquiéta et il se redressa lentement en le regardant, les yeux plissés avec incertitude.

-Quoi? Pourquoi tu me regardes comme ça?

Il l’écouta en silence en arquant un sourcil. Le démon garda le silence un moment avant de parcourir la pièce des yeux.

-J’imagine que je peux bien essayer au moins une fois.

Il retint son souffle lorsque Manu fut près de lui.

-Je sais que tu es patient, marmonna-t-il.

Il répondit au baiser et entoura le dos et les épaules de son amant de ses bras tattoués puis il se laissa tomber au milieu des draps, l’emportant avec lui dans sa chute sans cesser de l’embrasser, glissant ses mains dans son dos nus et dans ses cheveux humides qui se défirent sous ses doigts.

J’ai envie de dire que je suis l’homme le plus heureux du monde. Que l’amour grisant d’un démon me comble de bonheur et que la pureté du soleil me réchauffe le cœur lorsque je sors prendre une longue marche. Je voudrais bien dire que je chante et danse dans les rues parce que mon bonheur me fait éclater et que mes yeux brillent d’émerveillement chaque fois que je vois un oiseau prendre son envol. J’aimerais dire que je suis zen et que l’avenir qui s’ouvre devant mes yeux ronds est empli d’espoir et de trèfles chanceux. Je désir croire que tout va bien, que je ne suis qu’un humain de 27 ans qui a pour amant un démon qui l’aime et le chéri plus que tout dans le monde. J’ai espoir que dans quelques années nous pourrons adopter un enfant « normal » et saint. Je… je pense… Je suis… Tout est si sombre. Rien n’est comme avant, rien n’a jamais été comme avant. Tout cela est un mensonge. Les oiseaux, le soleil, la sécurité. Tout est faux. Rien ne peut être plus vrai que l’ombre qui me suis dans les rues et qui m’engloutit lorsque la lumière ne peut plus être mon guide. Je suis entouré de fils d’araignées, des tissus de mensonges et seule la mort semble être la vérité. Même la vie est fausse. Je voudrais soupirer. Hurler de rage et me défouler sur tout ce qu’il y a autour de moi, mais à quoi bon? Je vais mourir bientôt de toute façon, n’est-pas? Kael… pourquoi es-tu ainsi fait? Pourquoi ne suis-je pas à la hauteur de tes attentes. Je le vois dans tes yeux. Je l’entends dans ta voix. Je ne t’en veux pas parce que tu ne m’as jamais dit que tu m’aimais et parce que ton regard trahi tes sentiments. Je t’en veux… Parce que je sais ce que je suis pour toi. Ce reflet dans ton regard qui me perce à chaque fois. Ce désir qui me fait fondre… God… No, you’re more like satan… He makes me feel so weak… that’s why… J’aurais bien aimé un jour dire : je suis heureux, le plus heureux et rien ne peut me faire perdre ce sourire radieux qui fend mon visage d’une oreille à l’autre. Mais ce n’est pas le cas. Je ne suis pas triste, mais le bonheur ne me comble pas. Je suis dans un néant de gris où le blanc et le noir se battent devant mes yeux et m’enduisent d’amour et de haine. Kael semble être la partie noire, de plus en plus même, mais qui est la blanche? Qui est cette lumière qui me fait tourner au gris plutôt que de me laisser sombrer dans le noir d’une ombre au regard de feu?

La passion de Kael le fit perdre le cours de ses pensées et le sortit de sa mélancolie. Cette passion ardente et insistante était si rare de la part du démon qu’Immanuel ne put résister aux caresses pressantes et intenses qu’il lui procurait. Il tomba à la renverse avec lui et s’étendit de tout son long contre son corps étrangement chaud, sans quitter ses lèvres qui avaient ce goût si particulier. Oh Kael… why are you so cruel… damn you demon. Après de longues minutes il se redressa sur ses avant-bras et posa son regard enflammé par la passion sur Kael qu’il obligea à se redresser. En un rien de temps il était aussi couvert que lui. Immanuel frotta le bout de son nez contre celui du démon, signe affectif que lui seul faisait et sourit tendrement avant de lui voler de nouveaux baisers plus tendres cette fois. Il glissa ses longs doigts écorchés dans la chevelure corbeau du démon étendu sous lui et s’enflamma, son cœur se gonfla de cet inévitable amour tranchant et douloureux qui le fait frémir au point de lui donner froid. La douleur le maintenait en vie dans cette relation à double tranchants qui lui donnait envie de s’ouvrir les poignets. Prit d’une fougue inhabituelle peut-être due à la douleur et la colère il s’empressa de dépouiller Kael de ses derniers vêtements et roula sur le côté pour le hisser sur lui. Bien qu'il soit passif en général et surtout avec Kael, il n’était pas d’humeur à se laisser contrôler ce soir. Il posa ses mains sur ses épaules et le redressa légèrement pour le regarder dans les yeux de son regard mi-clos, les lèvres entrouvertes.

Je n’avais pas envie de laisser Kael me regarder de la manière habituelle, qu’il me regarde comme à l’habitude quand nous sommes intimes… je voulais voir une nouvelle lueur briller dans son regard, une pointe de faiblesse peut-être, un consentement, quelque chose de nouveau, d’inhabituel. Je voulais être lui pour une nuit et que lui se sente impuissant face à son bourreau. Je désire inverser les rôles, juste pour une fois. La seule fois, pour voir, pour savoir ce que c’est de lancer ce regard, le regard, sur l’être que l’on croit aimer…

Il se dévêtit en entier à son tour et glissa ses mains dans le dos du démon jusqu’à son flanc et ses hanches avant de le clouer contre lui et d’appuyer sa joue rose contre la tempe sombre de ce dernier, son souffle glissant le long de son crâne. Sweet, oh sweet love, fake, so fake. I can't resist. You're more powerfull than a f*cking drug...

Kael n’était pas du tout du genre à se laisser contrôler. Il fut surpris de se retrouver totalement nu sur Manu qui le regardait avec des flammes dans le regard. Son regard vint le brûler jusque dans le fond de son âme. Il ne savait pas ce qui se passait, sa tête bourdonnait et le soudain changement d’attitude et le regard sauvage de Manu eurent raison de sa résistance. Il le regarda se dévêtir et frissonna sous le contact glacé de ses doigts. Quelque chose n’allait pas, tout était si froid, d’un froid si intense et mordant qu’il croyait brûler contre la peau de son amant. Il s’étendit à son tour sur Manu et retint son souffle en sentant celui de ce dernier glisser contre ses cheveux hérissés. Kael serra les dents et ferma les yeux en appuyant son front brûlant contre l’épaule de Manu qui était plus grand que lui de deux bonnes têtes. Étrangement sa supériorité physique ne l’avait jamais intimidé, jamais avant maintenant. Il glissa ses bras tattoués dans son cou et y cacha son visage.

-Vas-y doucement, souffla-t-il en contractant les mâchoires.

Ce sentiment de supériorité, personne ne peut le comprendre avant d’en être victime. Personne ne peut le comprendre avant d’en être l’auteur. L’ombre qui écrase fait pousser des ailes à celui qui attend avant de se battre contre cette pression constante sur sa cage thoracique. Depuis longtemps j’avais oublié comment respirer. Prendre mon souffle et en savourer tout le bien être qui en découle.

Ce soir. Tonight. J’avais décidé de prendre une grande inspiration et d’ouvrir les yeux sur la réalité qu’était ma vie. Kael n’était pas cette réalité à laquelle je croyais dur comme fer. Il était autre chose, une branche de cette vie étrange qu’est la mienne. Il était quelque chose de plus qui me volait mon souffle et me laissait flotter au centre d’un imperceptible tourbillon d’émotions plus intenses les unes que les autres. En ce moment, j’étais au centre de l’univers. Je décidais de ce qui y arriverait. Je flottais au milieu de mes sentiments contradictoires. La haine et l’amour en étaient les principaux représentants. Ils s’entrechoquaient sous mes yeux avec une étincelle folle qui m’étourdissait.

Mon sang cognait dans mes tempes avec fureur, ma gorge était sèche comme un désert sans aucune trace d’eau et de vie. Rien. Ma tête était vide, mais vibrait et tournait à vive allure. Tout mon corps s’animait d’une émotion nouvelle, mon cœur battait au fond de ma cage thoracique qui prenait une dangereuse expansion alors que je respirais fortement. Mon sang faisait le tour de mon corps à une telle vitesse que je le sentais donner des coups au fond de mon crâne. J’étais couvert de frissons, j’avais froid, la chaleur dévorait ma peau et me brûlait en entier. Mon corps était si brûlant que j’en avais des sueurs.

Mes yeux étaient ouverts, mais je ne voyais rien. Ma respiration était rapide, mais je manquais d’air. Mes lèvres pressaient sur les siennes, mais je n’étais pas encore satisfait. Plus, j’en voulais plus encore et encore. Je n’en avais jamais assez. La vie est une sale égoïste qui ne donne jamais assez pour qu’on la désire toujours plus.

J’avais beau enfoncer mes ongles dans le dos de Kael, tirer ses cheveux fermement avec une main tremblante, l’embrasser à en perdre haleine et le serrer contre moi avec une telle force que nous ne faisions qu’un, il manquait quelque chose. Cette violence inhabituelle qui nous couvre comme du brouillard. Mais qui jamais n’a éclatée auparavant. Elle était là, toujours présente et subtile. Mais ce soir elle manquait. Elle n’était plus juste un sentiment, elle était devenue physique. D’une douleur indescriptible. J’éclatais de rage. Je n’en pouvais plus. Kael sur moi subissait physiquement ce que je subissais mentalement depuis que nous étions ensemble.

Mes ongles traversaient son dos avec passion et mes lèvres volaient son souffle avec un engouement essoufflant. Une de mes mains glissait dans ses cheveux avec exaltation avant de descendre sur ses hanches. Sa peau pâle comme une neige douce et miroitante se couvrait de pétales rouges qui glissaient le long de son dos. Mes deux mains agrippaient ses hanches avec ivresse et mon souffle court et rauque se changea progressivement en grognement gutturaux. Mes lèvres quittèrent les siennes et rencontrèrent son lobe d’oreille. J’haletais contre lui, enfonçant mes canines dans la chair soyeuse de son oreille. Un goût métallique parvint jusqu’à ma langue et coula contre ma lèvre inférieure. Je me retournai vers lui et scellai mes lèvres aux siennes tout en glissant mes doigts sous ses cuisses. Aucun bruit réel ne parvenait à mes oreilles, j’étais complètement ivre de lui et de sa peau. Son corps m’emplissait d’ivresse. J’étais enivré par sa chaleur. Nous n’étions qu’un, j’étais lui et moi à la fois. Je roulais dans les draps moites de mon lit, le dirigeant à ma guise sous mon corps parsemé de frissons violents et de spasmes qui faisaient contracter mes muscles avec intensité. Au travers de mes dents serrées je poussai un gémissement rauque et fermai les yeux, en proie à un intense sentiment d’euphorie et de bien-être.

Immanuel se laissa tomber haletant et couvert de frissons sur le corps de Kael. Il renifla en gardant les yeux fermés et poussa un soupir de contentement. Son visage habituellement pâle était rosé et ses yeux las brillaient d’une lueur nouvelle, une quiétude bienfaisante faisait vibrer son regard félin. Il leva la tête et posa les yeux sur Kael, lèvres entrouvertes. Gardant un silence prospère, il se hissa sur son amant et posa ses longues mains sur son torse, ses yeux toujours rivés sur lui avec insistance. Ses cheveux rouges ébouriffés tombaient sur ses épaules frissonnantes et dans son dos luisant. Son torse se soulevait doucement au rythme de sa respiration lente et détendue. Il se mordit la lèvre inférieure et se pencha vers le visage de Kael pour caresser ses lèvres des siennes.

You’re mine…

TRAD:

Le démon n’aurait jamais pu s’attendre à une telle violence de la part de son amant. Il avait beau pousser des gémissements de douleur, Manu ne semblait pas vouloir arrêter d’ouvrir sa chair de ses ongles. Il pouvait sentir chaque morsure dans son dos qui brûlait vif sur sa peau nue. Malgré la douleur et les goûtes de sangs inquiétantes qui maculaient ici et là le matelas et le bas de la lèvre de Manu, il y prenait un plaisir presque sanguinaire. Kael finit par se laisser aller aux ardeurs brutales de l’humain qui l’écrasa sur le lit d’un coup sans qu’il ne s’en rende réellement compte. Jamais il ne s’était laissé dominer par quelqu’un, pas lui, pas un démon. Mais ce petit revirement de situation était loin de lui déplaire, cette fois seulement. Il allait bien faire comprendre à Manu qu’il n’aurait pas le droit de faire ça une seconde fois. Une chaleur bienfaisante et agréable se répandit dans tout son corps qui frissonna et Manu vint se blottir dans ses bras quelques instants avant de se relever. Son regard brûlant suffit à Kael qui comprit qu’il n’en avait pas eu assez… Sûrement avait-il prit quelque chose avant qu’il arrive chez lui… Manu n’avait jamais pris le temps de régler son problème flagrant de consommation et Kael savait très bien qu’il faisait de gros efforts pour lui cacher qu’il était tombé plus bas que ce qu’il voulait.

Il leva une main vers le visage de Manu et le regarda droit dans les yeux avant que ce dernier vienne poser ses lèvres sur les siennes. Il répondit au baiser avec l’intention de le combler jusqu’au bout. La nuit fut étrangement longue et Kael s’écroula dans le milieu des oreillers en haletant, les yeux écarquillés et brillants avec ébahissement. Il passa une main tremblante dans ses cheveux humides et garda son regard levé vers le plafond un moment avant que Manu ne s’étende à ses côtés. Il garda tout de même le silence.

Je ne pourrais dire s’il m’avait donné ce que je voulais par amour, par faiblesse, par plaisir ou simplement par paresse. Kael n’était pas du genre à se laisser faire de la sorte et je me demandais s’il me cachait quelque chose encore. Avait-il fait quelque chose qui pourrait me décevoir au point qu’il se sentait obligé de me laisser abuser du fait qu’il n’ait presque pas réagit à mon assaut des plus agressifs? J’avais une envi terrible de lui demander ce qu’il avait, vraiment, il n’est plus le même. C’est ainsi depuis longtemps, bien sûr, ce n’est pas nouveau après à peine une année il avait déjà commencé à changer, mais le processus accélérait dangereusement et je le voyais se métamorphoser à vue d’œil, et c’était presque terrifiant, pourtant je ne pouvais m’empêcher de l’aimer. Ses changements ne semblaient pas vouloir affecter ma façon de le voir et de l’aimer. Je sais qu’il change, mais j’ai de la difficulté à l’accepter et à le voir vraiment. Je ne sais pas comment m’expliquer clairement, c’est très confus, je sais, pour moi, c’est encore pire, un combat éternel et contradictoire qui ne faisait aucun sens et siphonnait mon énergie chaque fois que j’osais y penser. Non vraiment, je pense ne pas vouloir cesser de l’aimer malgré tous les changements qui occurrent et qui me font presque peur quand je prends le temps d’y penser et quand toute mon attention est virée sur le moindre petit changement nouveau ou plus grand, mais tout de même moins récent. Je m’exprime mal, c’est un peu difficile d’expliquer quelque chose que nous même ne comprenons pas. Peu importe, je m’emballe dans des excuses inutiles et stupides. Je n’ai pas à m’expliquer sur mes agissements, je n’ai pas à m’expliquer sur quoi que ce soit en fait, je suis un adulte et je fais ce qui me plait peu importe les conséquences. Nous apprenons tout de même de nos erreurs alors mieux vaut en faire. Mais à quel prix? À quel point suis-je prêt à souffrir pour garder Kael auprès de moi? À quel point suis-je près à tout perdre pour gouter encore et encore la douceur de ses lèvres et la chaleur de son corps? Moi-même je ne suis pas sûr encore des sacrifices que je vais avoir à faire pour le garder encore quelques années de plus, mais à quel prix? L’amour ne peut être à sens unique ça ne fait pas de sens, et encore que je m’en rends compte est sûrement le signe parfait pour me sortir d’une telle relation. Mais je ne m’en vois pas capable, vraiment, je ne pense pas pouvoir me priver d’un amour aussi délicieusement mortel. Tous ces souvenirs, toutes ces années avec lui, j’ai l’impression que m’en défaire serait plus douloureux encore que de rester avec lui et accepter mon sort, en quelque sorte. Je ne pense pas avoir profité assez de sa chaleur encore. Et même en ce moment, je me perds dans mes pensées sombres au lieu de profiter de ses caresses et de ses ébats.

Immanuel battit des cils un peu avant d’enfouir son visage blême dans le cou chaud de Kael qui lui donnait ce qu’il avait demandé si souvent. Quelque chose qu’il pouvait associer à de l’amour. Il finit par se donner à ces jeux amoureux et s’écroula aux côtés d’un Kael étrangement silencieux. Le géant se redressa doucement sur ses avants bras avant de se hisser sur ses genoux. Il posa un regard incertain à Kael qui s’obstinait à garder le silence et à éviter son regard. Immanuel avala de travers et se leva, chancelant, avec le besoin, non, le désir de s’éclipser un peu, de se perdre dans son monde à lui, toujours aussi sombre, mais réconfortant. Il agrippa un jogging délavé et l’enfila maladroitement tout en se glissant dans son salon sans lumière. Il ne prit même pas la peine d’en allumer une seule, il connaissait l’endroit par cœur et savait où trouver son stock qui était, selon lui, savamment caché dans un pot de sucre, dans l’une des armoires. Il prit quelques feuilles et les enroula en silence dans un papier blanc gommé et infiniment trop mince, une fois sur deux il le déchirait en tentant de le coller. Mais, malgré ses mains tremblantes il réussit à terminer ce qu’il pourrait qualifier de bijou, le glissa entre ses lèvres et ne prit que quelques instants pour trouver le briquet.

Une fois avachi au fond de son sofa il prit une grande inspiration et ferma les yeux en poussant un soupir rauque, la tête balancée vers l’arrière, posée sur le dossier du sofa. Quelle vie…

Le démon se retourna lorsqu’Immanuel fut sorti de la chambre. Il poussa un soupir las et regarda l’heure sur son portable qui était resté dans ses poches de pantalon. Dix heures. Il devait rentrer, il était censé garder sa sœur qui était encore trop jeune pour aller passer la soirée en ville. Lui, n’en avait simplement pas eu envie. Il s’habilla dans le plus grand des silences en tendant l’oreille. Ce demandant ce que Manu faisait. Une fois habillé il sortit de la chambre et surpris son humain sur le sofa, jogging descendant sur ses hanches étroites, un joint entre les lèvres. Il fronça les sourcils et fit quelques pas vers la porte où il avait laissé ses bottes.

-Je dois y aller, j’avais oublié que mes parents sortaient.

Il attacha lentement ses bottes et se tourna vers Manu.

J’aurais voulu lui demander. Ce qu’il lui avait pris. Ce qui n’allait pas. J’aurais voulu qu’il me parle un peu, mais comme à chaque fois… après la baise, le gros silence lourd de sens et un peu déstabilisant et blessant. J’avais appris à ne plus y porter attention et à ne pas m’en faire, mais ce soir, tout semblait vouloir être différent à d’habitude. Je sentais le besoin de communiquer un peu avec lui, de voir sa froideur se dissiper, sa peau avait beau être brûlante, le reste de son être était d’une froideur ironiquement opposée. Je savais d’avance que ça ne pourrait qu’empirer les choses, mais j’avais cet étrange besoin de savoir. Peut-être en fait… que je ne voulais pas vraiment savoir. Puisque je doutais. Je me doutais déjà de ce qui allait suivre, de ses réponses, sa réaction, je n’avais pas réellement besoin de demander pour avoir la réponse, mais j’avais l’idiot désir de me tromper et d’avoir une réponse parfaitement différente de celle à laquelle je m’attendais. Peut-être le weed n’aidait en rien à mes réflexions et ne faisait que me rendre plus con. Je me sentais défaillir et j’avais l’impression que mon corps s’enfonçait de plus en plus dans le sofa jusqu’à me dévorer en entier. Un mince sourire amusé se dessinait très certainement sur mon visage. Je le sais. Le moment où l’effet de la douce marie-jeanne se propage dans tout le corps. Ce bien-être pratiquement indescriptible. Je pense toujours mieux raisonner sous les effets divins de l’herbe, mais au finale, je pense que ce n’est pas le cas, mais je ne peux pas vraiment le savoir, mes propos me semblent toujours réellement cohérents et empli de sens. Rien n’aurait pu me faire douter du contraire. Mais comme je m’obstine à dire, ce soir tout est différent et je réalisais ma stupidité. Et encore plus lorsqu’il est sorti de la chambre complètement vêtu et qu’il s’était dirigé vers la porte. Je pense bien avoir hoqueté. La surprise et la stupeur se mélangeant en moi avait créé cet espèce d’étourdissement lourd et poignant. Je sentais mon cœur battre dans mes temps et son rythme accélérait dangereusement. Je pensais bien faire un bad trip à ce moment-là. Je pensais ne pas pouvoir me lever, mais je me suis surpris debout devant lui, surement l’air effrayé et perdu.

-Où est-ce que tu vas? Murmura-t-il en se redressant lentement.

Immanuel garda un silence inquiet en regardant Kael mettre ses bottes. Lorsqu’il fut tourné vers lui, le grand homme à la crinière de feu figea avec frayeur. Il ne peut pas partir maintenant! j’ai tant de choses à lui demander… j’ai besoin de savoir…

-oh…

Je ne peux pas attendre qu’il parte. S’il sort d’ici je ne pourrai jamais savoir et je n’aurai jamais le courage une seconde fois de lui demander la vérité.

Il sera les poings en déglutissant et le regarda se diriger vers la sortie en silence.

-as-tu des sentiments pour moi? Fit-il dans un souffle rauque et amer.

Immanuel sentit un frisson de regret et de honte le parcourir, mais il resta droit au milieu de son salon et dévisagea Kael avec impuissance et une pointe de crainte et de curiosité.

Kael venait de poser la main sur la poignée de la porte lorsque la question parvint à ses oreilles. Il figea d’un coup et resta immobile, dos tourné à son amant. Que pouvait-il répondre? Manu ne serait certainement jamais réellement satisfait de sa réponse. S’il lui disait oui, il se douterait que ce n’est pas vraiment vrai, mais s’il lui disait non il le blesserait et devrait faire face à des questions auxquelles il n’avait ni le temps, ni l’envie de répondre. Dans les deux cas, des réponses allaient devoir être données pour expliquer ses gestes.

-Je…

Il pinça les lèvres et baissa le front avec incertitude. Il ne saurait répondre. Il se tourna finalement vers Manu qui lui semblait si fragile à ce moment malgré son imposante stature. Il sourit malgré lui.

-Pourquoi est-ce que tu t’inquiètes à ce point?

Il fit un pas vers son amant et vint quérir un baiser.

-Tu ne devrais pas fumer comme ça, ça te rend paranoïaque.

Il fronça les sourcils et lui enleva doucement le joint des mains avant d’éteindre le bout rouge avec sa langue. Il leva les yeux vers Manu et lui offrit un sourire contrit.

-Je m’inquiète pour toi, murmura-t-il en le regardant droit dans les yeux de son regard sombre.

Il vint poser une main pâle et baguées dans le visage de son humain.

-Tu es à moi.

Il l’embrassa avec une fougue toute calculée et enroula ses bras autour de son cou.

Je ne sais pas réellement si sa réponse m’a ému, rassuré ou inquiété d’avantage… il avait évité la question en me donnant une tout autre réponse qui aurait pu, selon lui, me satisfaire. Jouer avec les mots ne me consolait pas une seule seconde et j’ai bien senti ce nœud douloureux m’enserrer la gorge et m’empêcher de respirer à mon aise. Tout mon corps se tendait et mes muscles se nouaient comme les branches d’un arbre. Je me sentais comme une plante géante qu’on ose seulement regarder de loin. L’écorce dur qui me servait de protection se flétrissait toujours au contact de Kael avant de se renforcir quelque peu. Mais en ce moment, je me sentais encore moins atteint par tous les évènements qui faisaient que tout cela était ma vie. Je restais de marbre devant ses réponses simplistes et qui ne répondait pas réellement à ma question et mes craintes. Je ne sais pas si c’est normal d’un jour, se sentir comme une coquille vide, sans émotion, sans douleur et sans intérêts pour quoi que ce soit. J’aurais voulu me sentir comme tel, mais je ne faisais qu’afficher cet intérêt et ce manque flagrant de douleur, pourtant, intérieurement j’avais aussi mal que si je venais d’ingurgiter le plus puissant des poisons. C’était presqu’aussi douloureux que la première seringue d’héroïne, mais les effets après coups étaient beaucoup moins agréables malheureusement. Je ne saurais décrire la sensation sublime que procure l’héroïne c’est tellement… insane, it is so insane you can never get enough, it’s like an angel just kissed all your body and make you feel so good you don’t want to leave this world. It’s magical, insane, you feel like you are in a dream. The best dream you never tought you would have. You feel like you can fly whereever you want. Just like a bird. Like an eagle. This drug is probably the best. Nothing can make you feel better than her. She’s realy an heroïne if you know what I mean… j’aurais tellement voulu en avoir sous la main en ce moment… le weed ne sera certainement pas suffisant. Mais il est tellement sexy, j’adore quand il fait ça, éteindre des trucs avec sa langue. J’ai toujours aimé le voir faire ça, et y penser me faisait presque fondre. Mais je dois rester zen et distant. Je ne veux plus avoir à souffrir pour lui et par sa faute.

Immanuel frissonna et ne put repousser Kael lorsqu’il lui sauta au coup, au contraire, il l’enveloppa de ses bras et répondit avidement à son baiser. Jamais il ne pourrait se séparer de lui. Malgré leurs différents ils allaient plutôt bien ensemble. Ils se complétaient en fait. Un peu comme le jour et la nuit.

-Kael… fit-il en mettant fin au baiser.

Ce murmure lui avait pris tout le courage et la force du monde. Il pencha la tête légèrement vers le sol et leva ses yeux vers son amant en feignant un petit sourire piteux.

-Tu es sûr que tu ne peux pas rester? Ta sœur est grande maintenant, elle peut se garder toute seule quelques heures non?

Je ne suis pas certain du pourquoi je lui ai dit ça, mais j’espérais tout de même que ça marche. Après tout c’était rare que nous nous retrouvions seuls. Il avait toujours quelque chose à faire pour l’école ou le travail. Le « travail ».

Le démon regarda son humain droit dans les yeux et garda un silence plutôt agacé. Mais l’air fragile et contrit de Manu eut raison de lui et il soupira en s’éloignant.

-J’imagine que tu as raison.

Il enleva ses bottes et alla s’étendre sur le sofa en haussant un sourcil.

-Tu vas quand-même pas rester là.

Un mince sourire étira ses lèvres. Kael voyait Manu s’éloigner de plus en plus. Et même s’il voulait garder ses distances face à l’amour, il n’avait aucunement envie de voir Manu faire de même. Il ne savait pas si c’était de l’amour ou le désir de posséder quelqu’un, mais la possibilité que Manu le quitte le dérangeait.

Je ne fus pas soulagé de le voir rester. Mes émotions étaient souvent contradictoires, mais à l’habitude je parvenais à un juste milieu un peu plus correct et acceptable. Mais comme je m’obstine à constater : ce soir n’est pas comme les autres soirs. Quelque chose venait de changer. Nos rôles s’inversaient dans un sens. Quelque chose entre nous ne serait plus jamais pareille. Mais je ne sais pas encore ce que c’est et c’est bien difficile à expliquer et moi-même j’ai un peu de difficulté à comprendre ce qui arrive. Vraiment. Tout est si compliqué avec Kael. J’imagine que c’est un peu pourquoi je l’aime. Je ne me vois pas avec quelqu’un d’autre qui me rendrait la vie facile et qui ferait tout ce que je veux. Je ne me vois pas être en couple. Je ne me vois pas avoir le genre de relation stable et saine. J’aime trop tout ce qui touche à l’illégalité et qui me fait me questionner sur l’importance de mon existence. J’imagine que la douleur me fait vivre. J’aime bien être un semblant de martyr je crois. Pas pour avoir la pitié de mon entourage, mais simplement pour toujours repousser mes limites, encore et encore. Me remettre en question et me demander si tout ce que je fais est nécessaire m’aide à vivre. Je me rends compte que je vie réellement quand je suis avec Kael et que je vois tout basculer devant mes yeux encore et encore. Ce que je bâti dans ma tête se détériore une fois que je suis avec Kael et que la vérité refait surface. J’imagine que j’ai besoin de lui, car il me ramène sur terre. Me fait réaliser que ce que je pense et ce qui est, sont deux choses totalement différentes et incohérentes. Tout cela est bien difficile à expliquer et je me perds un peu dans mes élucubrations. Ce que je veux dire, c’est que Kael, malgré sa froideur et son comportement distant avec moi, me fait sentir vivant. Je suis vraiment opposé aux autres personnes qui vivent pour l’amour et le bonheur. Que l’amour et la passion de leur conjoint les rendent vivant. Moi ce n’est pas ça. C’est plus sombre, mais je sais que je suis vraiment en vie quand je réalise à tous les jours que ce que je vis n’est pas un rêve. Je m’explique. Une personne heureuse avec ce qu’elle a et qui vit dans cette espèce de brume grisante et qui s’enivre du bonheur que la vie lui donne verra son monde s’écrouler si quelque chose contraire à ce qu’elle a, arrive. La mort d’un proche, une rupture, un rejet. Etc. Pour une personne comme moi qui ne voit pas la vie avec ce positivisme névrosé est plus apte à affronter avec sang-froid des évènements imprévus et qui peut à tout moment détériorer notre vision du monde et de notre vie. Bref. Je ne pense pas être un surhomme, car encore aujourd’hui beaucoup de choses me pourrissent la vie et me ramène sur terre, mais plus les années passent et moins les évènements indésirables m’affectent. Je ne sais pas si je suis clair... mais ce qui est clair pour moi est le fait que j’ai besoin de Kael si je veux vivre, survivre même. J’ai besoin de ce quelqu’un qui va me ramener sur terre si je m’égare et m’enivre d’un bonheur qui n’est pas réel… peu importe. Je suis bien avec ce que j’ai et je ne veux pas que ça change. Bon résonner ainsi me pousse à faire le contraire de ce que je dis puisque les gens heureux ne veulent pas que leur monde change. Mais moi je ne veux pas que ça change, car je ne veux pas… je veux rester les deux pieds sur terre. Je ne veux pas… I don’t want to see my world and life… disappear. I want to live so bad…

Immanuel fut sorti de ses songes par la voix de Kael. Il le regarda étendu sur son divan et ne put s’empêcher de sourire. Je le trouve toujours aussi beau, voir même plus. Je ne peux pas le perdre. J’ai besoin de ce petit quelque chose de rationnel et raisonnable. Raisonnable peut-être pas… mais j’ai besoin de ce quelque chose qui me garde en vie.

Il s’approcha du divan et s’étendit aux côtés de Kael, face à lui, sa tête appuyée sous son menton, son visage enfoui dans son cou. Il avait besoin de ce petit moment d’intimité. Il entoura le torse de son amant de ses bras et soupira de lassitude en se blottissant contre lui avec insistance.

-Kael… murmura-t-il au bout de quelques secondes.

Il s’éloigna un peu pour le regarder droit dans les yeux. Un mince sourire étira ses lèvres et il baissa les yeux en gardant un silence obstiné. Pourquoi ce genre de pensées me hantent chaque fois que je suis avec lui, dans ses bras. Mais je me demande vraiment… je ne l’ai jamais vu avec quelqu’un d’autre, mais Kael est tellement cachotier et discret. Ce n’est peut-être pas de mes affaires, après tout je ne suis que son amant…

Il avala de travers tout en levant les yeux à nouveau.

-Répond-moi franchement… sois honnête…

Il roula légèrement sur le sofa et se retrouva sur le dos. Son regard parcourait la pièce sombre avec nervosité. Immanuel se mordit la lèvre inférieure avant de passer une main moite et tremblante dans sa chevelure de lion. Il s’assit soudainement, envahit par un sentiment de panique.

-Est-ce que tu as quelqu’un d’autre? Fit-il du bout des lèvres sans le regarder, son regard obstinément rivé vers la porte de sa chambre qui fleurait leur odeur…

Je ne veux même pas le savoir, mais peut-être que ça va m’aider à mieux le comprendre… comprendre pourquoi il est ainsi… ou peut-être que ça va simplement m’éloigner de ce que je cherche. Peu importe, il est trop tard pour retourner en arrière.

Manu se décida finalement à venir le rejoindre sur le divan. Kael se demandait souvent à quoi il pouvait bien penser quand il se perdait dans sa tête pendant aussi longtemps. C’était un autre truc qu’il trouvait fascinant chez Manu avec son habileté à pirater des systèmes informatiques. Ce dernier vint se coller contre lui et il l’enveloppa de ses bras tattoués. Le silence paisible de l’appart eu presque raison de lui et il se mit à somnoler lorsque Manu le réveilla en murmurant son nom.

-Hmm?

Il ouvrit péniblement les yeux avant de froncer les sourcils avec inquiétude. Manu se comportait bizarrement et cela le rendit nerveux.

-Manu? Fit-il quand il se redressa sur le divan.

La question de son humain le prit au dépourvu et il garda le silence, surpris par la question.

-Je ne comprends pas, répondit-il en se redressant à son tour. Qu’est-ce qui se passe avec toi?

Il se leva d’un coup pour faire face à son amant.

-Manu! Regarde-moi.

Il lui agrippa le menton et planta son regard dans le sien.

-Qu’est-ce qui t’arrives?

Il le lâcha avec hargne et fit quelques pas dans le salon, contenant sa rage. Ils s’étaient promis de ne jamais tenter de pénétrer dans la vie privée l’un de l’autre. En fait, Manu n’avait pas le droit, Kael lui, se le permettait fréquemment. Il se tourna d’un coup vers son humain et passa ses mains dans ses cheveux.

-Ça. Ne. Te. Regarde. Pas! On s’était entendus! Tu sais que je déteste quand tu fais ça! Je ne sais jamais quoi dire pour ne pas que tu le prennes mal! Si je te dis que non tu penses que je mens, mais si je te dis que oui tu… tu…

Il poussa un grognement rauque et se remit à faire les cents pas avant de s’arrêter brusquement et de revenir vers Manu.

-Est-ce que tu as quelque chose à me dire? Siffla-t-il en le toisant.

Il prit une grande inspiration et resta devant Manu droit et crispé de rage.

-Tu vois quelqu’un d’autre? Murmura-t-il en plissant les yeux.

Il était réellement plus possessif que ce qu’il disait.

Il avait réagi encore plus mal que ce que j’aurais cru. Sincèrement, il me faisait peur quand il était dans un état pareil. Mais je n’avais pas envie de le laisser me crier dessus sans rien faire. Sa soudaine colère me prit tellement au dépourvu que j’étais resté figé de stupeur devant lui. Il avait l’air d’une bête enragée. Je l’avais souvent comparé à un serpent pour bien des raisons. Sa discrétion, son silence, parce qu’il est vicieux et plus dangereux qu’on le croirait. Mais là en ce moment il me faisait plus penser à un chat sauvage. Crocs sorties et griffes dehors. Il était crispé par la rage et cela me rendait nerveux. Au début. J’ai senti la rage m’envahir lorsqu’il m’accusa. Je ne sais pas ce qui lui a pris. Jamais je n’ai vu quelqu’un d’autre, faux, il m'arrivait souvent de voir quelqu'un d'autre pour plusieurs raisons d'ailleurs, mais jamais je n’ai cessé de penser à lui et de lui être fidèle dans un sens, même si je n’avais pas à l’être… et la seule chose qui me passa par la tête maintenant que la rage c’était emparée de moi dû sortir d’entre mes lèvres… j’aurais pu choisir n’importe qu’elle réponse : non! Jamais de la vie. Bien sûr que non, tu es le seul! Quoi? Franchement d’où tu sors ça? Etc. etc. Mais je n’ai pas pensé avant de répondre…

-Et si c’était le cas?

Fit-il en se redressant à son tour, poings serrés.

-Tu vas faire quoi? Émit-il en haussant le ton.

Aïe… j’aurais dû encaisser ses reproches et fausses accusations au lieu de tenter de le contrarier encore plus. Mais je n’avais vraiment pas la tête à me laisser attaquer de la sorte. Je sais qu’il est stressé et qu’il est constamment surveiller par l’UDPH… il n’a pas la vie facile, je le sais. Je l’ai toujours su. Mais ce n’était pas une raison pour me rabaisser et réagir aussi fortement à une simple question qui aurait simplement pu me rassurer un peu… mais je pense l’avoir cherché… j’avais besoin de le provoquer, de le faire sortir de son mutisme silencieux et hypocrite. J’avais besoin d’une mise à jour. De savoir ce qui en était de nous. De moi. De lui. Voir si quelque chose avait réellement changé. Le voir aussi furieux me rassurait d’une manière. Il n’avait pas réellement changé, mais quelque chose était curieusement différent. Il n’aurait pas réagi ainsi avant… je ne sais pas ce que ça pouvait être, mais j’étais curieux de le savoir. Et c’est pourquoi j’ai soutenu son regard et que j’ai rajouté ce simple, petit, mais Ô combien destructeur : tu vas faire quoi. Pas très classe, mais efficace. Peut-être trop…

Le coup de grâce. Kael figea soudainement et dévisagea Manu longuement sans savoir comment réagir. Il voulait hurler de rage et lui sauter au visage. Mais l’envi de sortir de l’appart lui tentait aussi. Il entrouvrit les lèvres sans qu’un mot ne sorte. Kael se mit à trembler il se dirigea vers le divan et tomba assis dessus avant d’enfouir son visage dans ses mains et de se frotter vigoureusement les yeux. Il ne savait pas quoi dire. Sa gorge était nouée et tout son corps tremblait, mais pas de rage. Ça ressemblait plus à du désespoir. Quelque chose qu’il n’était pas certain d’avoir déjà ressenti avant. Il leva son visage pâle vers Manu et lui pris la main pour le ramener contre lui. Kael s’étendit sur le divan, Manu dans les bras et enfoui son visage dans ses cheveux sans un mot.

-Je ne peux pas t’en vouloir. Mais dis-moi que tu ne vas pas partir.

Une telle marque de faiblesse était inadmissible pour lui, mais il n’avait plus envie de faire semblant que Manu n’avait aucune importance pour lui. Il ne voulait pas être en amour, car il tenait à sa liberté, mais il avait besoin de Manu.

Jamais je n’aurais cru le voir ainsi un jour. C’était, désolée de l’expression… une chance inespérée. Voir Kael enfin tomber. Le voir craindre de me perdre. Le voir désorienté et sans voix. Le voir chercher ses mots et essayer de réagir, mais les émotions, si fortes soient-elles… s’emmêlent dans un tourbillon qui l’empêche de bouger. J’ai savouré quelques instants cette victoire aussi soudaine qu’imprévue. Je manque de mots en ce moment. Autant je peux me faire de longs dialogues qui finissent par perdre tout leur sens, autant en ce moment je n’avais plus rien à dire. J’avais seulement envi que le temps arrête et que je puisse profiter de ce qui me semblait être une marque d’affection de sa part. Une vraie. Car sa seule façon d’exprimer ses émotions, est en essayant de les cacher ou en ne sachant tout simplement pas qu’il les expose et qu’il en a…

Immanuel se laissa tirer vers le sofa et s’étendit aux côtés de Kael, fermant les yeux pour profiter de sa chaleur. Il sourit légèrement et leva les yeux vers son amant.

-Ne t’inquiète pas. Il n’y a personne d’autre. Tu es le seul. Vraiment. Je ne veux pas de quelqu’un d’autre. Je ne veux pas autre chose et je n’irai nulle part. Jamais. Je suis à toi. Seulement à toi.

Il posa ses lèvres contre les siennes avec douceur et glissa ses mains dans son visage tout en appuyant son grand corps contre lui tendrement, avec amour. Oui avec amour.

I am in love and I can do nothing about it.

[suite]

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