Heath remonta le col de son manteau en frissonnant. Il changea son étui de main –qu’est-ce que ça pouvait être lourd, une guitare- et pressa le pas. Ses semelles claquaient sur le sol froid. Il faisait complètement nuit, maintenant. Le vent était de sortie ce soir, et soufflait son haleine glacée à travers les ruelles, faisant danser les branches nues des arbres. Il rentrait partout, s’immisçant dans les maisons par le dessous des portes, s’engouffrant dans les vêtements des passants, emportant avec lui les déchets et la poussière de ville.
Le jeune homme était fatigué, et pressé de rentrer chez lui. Après les cours, il s’était rendu à une répétition de son groupe, où il avait joué comme un diable pendant plus d’une heure. Sorti du garage qui leur servait de studio, il était en sueur et assoiffé … Le soleil amorçait sa descente infinie dans la courbe du Ciel, et les ombres s’allongeaient. C’était une belle journée, il avait même fait assez chaud. Les nuages défilaient lentement au-dessus de lui, prenant des teintes tantôt rosâtres, tantôt gris charbon.
Voulant profiter des derniers instants de soleil (il n’avait pas fait beau depuis longtemps), Heath avait décidé de rentrer à pied chez lui, en passant par le centre-ville. Et qu’est-ce qu’il le regrettait maintenant ! Le froid s’était abattu sur l’horizon géométrique de Tenebris aussi rapidement que la nuit. On n’était pas encore en été, comment avait-il pu l’oublier ? … Ses paupières étaient lourdes, ses membres étaient comme engourdis, et ses vêtements trempés lui donnaient encore plus froid. Il rentra encore plus la tête dans les épaules en jurant. Ses mains étaient violettes ! Il passa sa main dans ses cheveux pour éviter qu’il ne lui tombe dans les yeux … Soudain, quelque chose attira son attention. Il ralentit. Était-ce de la musique ? … Il lui semblait entendre une mélodie, troublant le silence sourd de la ville, provenant d’un peu plus bas dans la rue. C’était étrange, tout semblait désert pourtant … Il y avait bien un homme complètement raide endormi devant la porte d’un bar à quelques mètres devant lui, mais c’était la seule trace de vie dans le coin … Même les arbres semblaient morts.
Heath avança vers l’endroit d’où provenait le bruit. Il voyait une jeune femme, assise sur un banc, avec un violoncelle dans les mains. Il n’y avait aucune lumière dans les bâtiments alentours, et seules les étoiles semblaient éclairer la mystérieuse musicienne. Quel endroit incongru pour jouer de la musique, se demanda Heath … Il fut saisi par la beauté de la mélodie. Les doigts de la femme se mouvaient lentement sur le manche de l’instrument avec grâce. Elle semblait ne faire qu’un avec son instrument.
Sans s’en rendre compte, il s’était arrêté à quelques mètres pour écouter, le regard fixé sur l’archet. Son mouvement était hypnotique … « Elle joue vraiment bien », pensa le jeune homme.
Il se décida à s’approcher un peu plus, tout en faisant attention à ne pas troubler la sérénité de la musicienne.