[A] Une soirée loin des armes.

Comme tous les soirs, Odessa, assise au bar, se préparer à donner son concert au Darkness Pub. Elle sirotait discrètement son cappuccino en tentant de calmer son stress. Ca avait beau faire une éternité que ce rituel était mis en place, la jeune femme avait toujours cette impression curieuse de première fois.

Cette fois-ci, le pub n'était pas plein à craquer comme d'autres soirs, et ça la rassurait. Odessa le monstre ne devrait donc pas apparaître ce soir. En effet, lorsque ses émotions étaient trop forte, la jeune fille sentait son côté banshee la maîtriser totalement. Il était déjà arrivé qu'elle rate une note car la pression était trop forte, mais ça n'allait pas arriver ce soir. Elle se sentait comme coincée entre deux personnalités et souhaitait reprendre le contrôle de son corps à 100%, et pouvoir chanter de toute son âme sans avoir peur de réveiller la banshee qui sommeillait en elle.

Le concert commença, et elle se mit à chanter d'une voix douce sur un air plutôt calme. Personne ne fit vraiment attention à elle, mais elle ne fut pas vexée. Après tout, son rôle n'était que d'assurer un fond sonore. Dans sa longue robe violette, elle se mit à oublier tous ses problèmes. C'est pour ça qu'elle aimait chanter.

Soudain, un regard attira son attention. Un homme aux traits marqués la fixait durement. Petit à petit, la seule attention de cet inconnu commença à devenir oppressant, et elle eut comme un pic d'angoisse. Sa voix partit dans une intonation plus grave et sonna très faux. Personne ne comprit vraiment ce qui s'était passé sauf elle : son côté banshee s'était réveillé.

Troublée, elle demanda à faire une pause, ce qu'on lui accorda sans grand mal en voyant son teint livide, encore plus pâle qu'à son habitude. Elle se hâta jusqu'au bar à nouveau et commanda un deuxième cappuccino et touchant nerveusement ses cheveux en priant pour que personne n'ait remarqué qu'il s'agissait non pas d'une fausse note, mais d'un début de cri de monstre. Tremblante, elle prit sa tête entre ses mains et tenta de faire le vide.

Décidément, il ne manquait plus que ça pour rendre la situation encore plus gênante. Odessa, qui se sentait pousser des ailes de part sa maladroite mais courageuse répartie eut tout à coup l'impression de devenir toute petite, perdue dans le grand pub qui se vidait lentement mais sûrement.

"Commandant de l'UDPH..." murmura-t-elle hébétée après qu'il se soit présenté.

Bien sûr qu'elle le connaissait. Odessa, cobaye de l'UDPH depuis sa naissance, l'avait souvent croisé de loin en devinant qu'il s'agissait de quelqu'un d'important sans savoir réellement qui il était. Elle était désormais fixée, et surtout très gênée : que faire ?

Pouvait-elle se permettre une joute verbale avec son patron ? Et puis, ce n'était même pas comme s'il était simplement son patron : c'était le patron de son patron. Alors qu'habituellement c'était plutôt l'inverse qui se produisait, Odessa aurait aimé voir débarquer Raphaelle pour la sauver de cette conversation.

"Veuillez m'excuser" dit-elle simplement d'une voix douce "J'ignore ce qu'il m'a pris, je ne vous avais pas reconnu."

Au final, que pouvait-elle dire d'autre ? Depuis toujours elle était traitée comme une souris de laboratoire par tous les membres de l'UDPH à l'exception de sa colocataire. Elle lança un sourire maladroit au commandant en priant intérieurement pour qu'il se calme et qu'elle n'ait pas à nouveau à prendre sur elle et à s'effacer comme toujours.